18.3.12

Méditation pour le 4ème Dimanche de Carême

Nous voici, Frères et Sœurs, en plein « traversée » du Carême.

Presque à mi-route entre les Cendres et la Résurrection…

Une étape de « juste milieu » qui, il faut bien le dire, ressemble à notre pauvre foi, toujours hésitante entre la nuit et la lumière, entre le doute lancinant et la confiance joyeuse…

Encore trois bonnes semaines avant le grand matin de Pâques.

Les plus « sportifs » d’entre nous gardent le rythme et le souffle !

D’autres, au contraire, commencent peut-être à s’essouffler, à avoir des crampes et des palpitations cardiaques…

Et si nous faisions un rapide sondage « sortie de messe (comme on fait – c’est bientôt la période ! - un sondage « sortie des urnes » !) », je crois bien que nous trouverions davantage d’essoufflés que de supers « joggers » de la foi parmi nous…

Comme le disait la philosophe Simone Weil, nous naviguons si souvent entre « la pesanteur et la grâce »…

Les textes de ce jour tentent de nous donner un peu d’énergie et de reconstituants – garantis sans « EPO » ! - pour affronter au mieux les dernières côtes.

- Le « Livre des Chroniques » évoque la déportation du peuple hébreu par Nabuchodonosor, puis, après 70 ans d’exil, sa libération par Cyrus, roi de Perse.

- Le psaume évoque la tristesse de l’exil à Babylone et le rêve de revenir à Jérusalem.

- Dans sa lettre aux Ephésiens, Paul évoque la miséricorde, la bonté de Dieu, la richesse infinie de sa grâce.

- Et notre évangile selon Jean évoque cette lumière divine que nous avons tant de mal à regarder.

Oui, Frères et Sœur, nous sommes sans cesse écartelé entre la pesanteur de notre pauvre vie humaine si souvent infidèle, et le désir de la grâce qui nous taraude le cœur.

Nous voudrions tant que le Seigneur souffle sur nos cendres, réveille nos braises pour attiser le feu et la lumière du grand brasier de Pâques…

« Je marche vers Dieu à reculons ; je tomberai en Lui à la renverse » ! écrit un autre philosophe, Gustave Thibon.

Oui, Frères et Sœur, nous marchons si souvent vers Dieu à reculons !

Evidemment, devant les essoufflement de notre foi, nous avons un peu tendance à nous culpabiliser, à nous dire que nous n’en faisons pas assez, que nous n’investissons pas assez dans l’effort spirituel…

Nous avons une vision si souvent « volontariste » de la foi, nous croyons que si nous ne sommes pas des « athlètes de Dieu » c’est que nous manquons d’entrainement. En gros que nous sommes des feignants de la foi !

Comme si la foi était le résultat de notre effort de Carême !

Comme si la foi était une sorte de « retour sur investissement » !

En fait, nous croyons que nous n’en faisons pas assez, alors que la grande affaire du Carême, c’est de se laisser faire !

La grâce ne va pas tomber sur nos têtes comme une sorte de juste rétribution de nos actes !

Quoi que nous fassions, Dieu nous aime et nous donne son amour. Nous ne sommes pas avec Lui dans une relation de troc : « Je me prive de cela, et Toi tu me dois ceci… »
Dieu ne nous doit rien car, de toutes les façons, il nous donne tout !

Et ce n’est pas nous qui allons vers Lui (nous en serions bien incapable), c’est Lui qui coure à notre rencontre !

Il y a sur le plafond de la chapelle Sixtine, à Rome, une représentation célèbre de la relation entre Dieu et l’homme, par Michel Ange. Allez voire une reproduction de cette fresque : vous constaterez que c’est Dieu qui, avec son bras musclé, s’approche de l’homme ; alors que l’homme peine à tendre le bras vers Dieu…

Voilà une profonde vérité, Frères et Sœurs.

Si j’osais une formule un peu iconoclaste, je vous dirai bien que le vrai, l’authentique Carême consiste… à ne rien faire !

Lorsqu’il évoque le Carême, Saint Benoît ne demande pas à ses moines de redoubler d’effort, de privation, d’humiliation… Non, il leur demande d’abord et avant tout (je cite) de « retrouver la joie du désir spirituelle ».

Car c’est bien ce désir que nous avons laissé tarir. Désir de Dieu que nous avons oublié, relégué au dernier rang de nos préoccupations.

Aller plus avant dans le désert du Carême, c’est aller plus profond vers le désir de Dieu qui murmure en nous.

Il nous faut pour cela museler nos appétits pour retrouver la faim, oser nous confronter à notre solitude pour finalement découvrir que ce n’est pas nous qui sommes seuls.

Le creuset du Carême nous invite en effet à ce bouleversant retournement : c’est Dieu qui est seul, c’est Dieu qui souffre de l’absence, de notre absence, de l’affadissement de notre désir de le chercher.

Souvent nous croyons que Dieu s’absente de nos vies alors que c’est nous absentons de nous-même et de Dieu !

Saint Benoît a raison : le Carême est bien ce temps du désir où ce n’est pas la mort et la cendre qu’il nous faut endosser mais la joie.

Joie de l’élagage, joie du dépouillement, joie du recentrement sur la Source même de la joie.

Quarante jours, quarante nuits pour finalement retrouver, au cœur de notre humanité, cette voix qui « crie dans le désert », cette voix qui « crie dans la désir »…

Quarante jours, quarante nuits, comme une fulgurante traversée au terme de laquelle Dieu nous attend avec le seul visage que nous lui connaissions : celui de l’homme.

Amen !

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