2.7.15

QUI EST-IL ?


Méditation de l'évangile du 14ème T.0. B - Dimanche 5 juillet 2015

« T’es qui, toi, pour nous parler ainsi ? »

Les auditeurs présents ce jour-là dans la synagogue n’en reviennent pas et sont choqués. Est-ce bien l’enfant du pays, le fils de Joseph le charpentier qui, de retour dans son village, se met à « prêcher » ainsi le jour du sabbat ?

Depuis qu’il a débuté sa vie publique, Jésus n’est pas revenu à Nazareth où, sans doute, sa réputation le précède. La rumeur prétend qu’il parle avec autorité, qu’il guérit les malades et réalise des miracles.

Ici, à Nazareth, on se souvient du gamin qui courrait dans les rues avec ses frères et sœurs, qui jouait avec les copeaux de bois dans l’atelier de son père, toujours fourré dans les jupes de Marie, sa mère.

Alors on peine à croire à ce qu’on dit de lui : 
« Trop beau pour être vrai. C’est louche ! »
Les voisins du quartier sont méfiants, dubitatifs, voire franchement hostiles.

Jésus a déjà été confronté à des oppositions, mais là, c’est carrément l’échec, le flop, le bide, la bérézina…
Il en perd ses moyens : notre passage d’évangile nous précise « qu’il ne pouvait accomplir aucun miracle ».

Que se passe-t-il ce jour-là, à Nazareth ?

C’est comme si Jésus était trop proche de ses proches, trop proche de son auditoire, comme si cette proximité, cette familiarité, empêchait de le voir vraiment, de l’entendre vraiment…

Ce qu’on dit de lui - et qui en fait un personnage exceptionnel -  ne correspond pas à l’image qu’on s’est forgé de lui, depuis son enfance.

Ce modeste fils de charpentier ne peut pas avoir les pouvoirs divins qu’on lui attribue. Qu’a-t-il donc à se prendre pour un prophète ou même carrément pour le Messie ? Il a pété les plombs ? Faudrait voir à ne pas trop tarder à l’envoyer chez le psy !

En fait, ceux qui l’écoutent sans l’entendre ce jour-là sont enfermés dans l’idée qu’ils se font de Dieu. Si le Messie doit venir, il viendra triomphant, fort, tout puissant. Il sera surtout bien conforme à l’idée qu’on se fait de lui, à ce qu’on attend de lui, il correspondra à nos désirs.

L’auditoire de la synagogue est, ce jour-là, au sens fort du terme « dérouté ».
Les gens de Nazareth marchent sur l’autoroute bien tracée et bordée de leurs certitudes et voilà que Jésus prend un chemin de traverse, une petite départementale imprévue.

L’étonnement vire au scandale. 

Comment Jésus a-t-il l’outrecuidance de ne pas correspondre à la fiche de poste, au CV divin qui, de tout temps, lui est assigné ?
Ce jour-là, à Nazareth, on crie à l’imposture !

 Et, il ne nous faudrait pas bien longtemps, avouons-le, pour nous reconnaître dans la foule de ceux qui râlent ce jour-là, à Nazareth.

Nous sommes si souvent comme ces proches, ces voisins de quartier qui prétendent savoir qui est Jésus, qui il doit être, ce qu’il pense, ce qu’il veut, ce qu’il doit faire ou ne pas faire pour nous?

Vous connaissez le mot de Voltaire : « Dieu a fait l’homme à son image, et l’homme le lui a bien rendu » !

Nous aimerions tant que Dieu ressemble à nos désirs, au portrait que nous souhaitons dresser de lui, qu’il se plie à nos attentes, agisse selon notre propre timing.

Nous rêvons d’un Dieu qui nous épargne les blessures, les souffrances, les maladies, la mort.

Nous rêvons d’un Dieu qui se révèle à nous de manière évidente, sans place pour le doute. Nous voulons bien croire à condition d’être sûr qu’il existe !

Nous voulons faire de Dieu le jardinier de notre propre petit  bonheur.
Nous voulons que, toujours, dans nos vies, ce soit le matin de Pâques qui rayonne, jamais le Vendredi Saint de la Croix, jamais le long samedi Saint de l’incertitude…

Mais Dieu est Dieu ! Il n’obtempère pas  à nos injonctions, il nous déroute de la voie tracée de nos certitudes. Il prend la parole dans la synagogue intérieure de notre cœur et vient nous étonner. A condition que nous lui laissions la parole !

Le passage d’évangile de ce matin nous donne deux indications précieuses :

-       Face à la colère de ceux qui prétendent le connaître, il nous est dit que Jésus ne peut pas accomplir de miracle. Comme si trop de certitudes bloquait l’avènement de l’inattendu. Comme si le fait d’avoir trop d’idées toutes faites sur Dieu bloquait en nous l’action de l’Esprit. Comme si le trop plein de certitudes alimentait paradoxalement le manque de foi.

-       Mais, il nous est aussi rapporté que, malgré tout, Jésus a, ce jour-là guéri « quelques malades ». Le malade, c’est celui qui ne sait pas, c’est celui qui ne sait plus. Le malade est un pauvre. Un pauvre qui sait l’urgence de s’appuyer sur un autre. Quitte à se laisser dérouter par cet autre, quitte à le laisser opérer une guérison qui n’est sans doute pas celle que nous attendons : la « guérison » de notre foi, la restauration de la confiance, malgré la nuit du doute.

Et nous, où nous plaçons-nous ce matin dans cette scène évangélique ?

Du côté des râleurs qui aimeraient bien assigner Dieu à résidence dans leurs besoins de certitudes rassurantes ?

Ou du côté des pauvres qui laissent Dieu venir leur parler au cœur de leurs fragilités ?

Sans doute, sommes-nous inévitablement l’un et l’autre… Inexorable mélange de pesanteur et de grâce de toute vie humaine.

Alors profitons un peu de l’été pour nous désencombrer l’âme et le cœur de toutes les fausses certitudes que nous avons accumulées sur Dieu et qui, comme autant d’idoles, font écran entre Lui et nous.

Laissons le Christ venir nous murmurer tendrement qui il est vraiment et ce qu’il espère et attend de nous. Laissons-le, au cœur de nos fragilités, nous surprendre : l’étonnement est père de la foi…