29.12.15

Famille, terre de libération...


Méditation pour le dimanche 27 décembre - Sainte Famille

Quel beau mystère ! Le fils de Dieu a choisi de naître dans une famille humaine, dans les bras humains d’un homme et d’une femme. Lui, le Christ de l’univers, n’a pas trouvé d’écrin plus noble que le modeste foyer d’un couple de galiléens pour s’incarner…
Comme l’Eglise a raison de nous faire fêter aujourd’hui la « sainte famille » !
Une famille qu’il faut cependant bien nous garder d’idéaliser ! Certaines images « pieuses » écrasent plus qu’elles n’aident à vivre… A certaines heures  - l’épisode de la « fugue » lors du pèlerinage familial au Temple de Jérusalem nous le rappelle  (Luc, 3, 41-52)- , la relation entre Jésus et ses parents n’a pas toujours été évidente. Voici qui, pour nous, est plutôt rassurant : la « sainteté », ce n’est pas une perfection inaccessible. La « famille chrétienne », ce n’est pas une famille idéale. C’est une famille qui, malgré ses limites, ses difficultés, ses crises accepte de toujours se remettre en marche. Ce n’est sans doute pas un hasard si Matthieu évoque - dans un curieux parallèle avec l’histoire du peuple hébreu  - le retour d’Egypte vers Israël de la « sainte famille ».
Comme si toute famille humaine devait, à  son tour vivre l’Exode : sortir de ses esclavages et marcher vers la terre promise de sa libération. Avec pour tout bagage ce conseil de Paul : « Revêtez votre cœur de tendresse et de bonté, d’humilité, de douceur, de patience. Supportez-vous mutuellement… » Une expression que nous pourrions presque entendre de manière « sportive » : soyons, dans nos familles, les « supporters » les uns des autres ! Aidons-nous mutuellement, par un pardon toujours renouvelé, à grandir dans l’amour. « Ta miséricorde (…) relèvera ta maison » nous promet Ben Sirac le Sage.



24.12.15

Noël, un Dieu tombé du ciel !


Homélie 24 décembre 2015

 Voici que, Frères et Sœurs, nous avons quitté la douce chaleur de notre domicile où s’achèvent peut-être dans l’effervescence joyeuse les derniers préparatifs de Noël.

Voici que nous nous sommes mis en route vers cette vieille grange, aujourd’hui rénovée, du Cap saint Jacques où, il n’y a pas si longtemps, ça sentait encore, comme à Bethléem, la bonne odeur du foin et de la paille !

Nous voici ici rassemblés pour faire mémoire d’un très vieil anniversaire, celui de la naissance d’un enfant venu au monde dans des conditions obscures dans un coin de Palestine, il y a plus de 2.000 ans…

Faut-il que nous soyons fous !

En quoi, en effet, la naissance de ce Jésus, il y a 20 siècles, peut-il avoir une quelconque importance dans notre vie d’aujourd’hui ?

Cette jolie crèche et ses jolis santons que nous avons ressortis du grenier sont-ils autre chose pour nous qu’un émouvant folklore ?

Ce « petit Jésus joufflu », entre le bœuf et l’âne, dans cette « douce nuit, sainte nuit » a-t-il, dans sa mangeoire, quelque chose de vraiment urgent à nous dire ?  

Une importante, une mystérieuse Parole qu’aucun de nos Smartphones, aucune de nos tablettes high tech, aucun Hashtag sur Twitter ne pourrait relayer ?

Noël a-t-il un secret message à nous murmurer à l’oreille du cœur pour nous aider à vivre la vie que nous avons à vivre, aujourd’hui, en 2015, dans ce monde bouleversé qui est le nôtre ?

Commençons, Frères et Sœurs, pour nous dire que si, effectivement, nous ne faisions de Noël que la célébration d’un « anniversaire », nous ferions, à coup sûr, fausse route.

Nous ne sommes pas venus ici pour chanter en chœur « Happy Birthday, Jesus » !
Nous ne sommes pas venus ici pour célébrer une « commémoration du souvenir » !
Nous ne sommes pas venus ici pour déposer une gerbe à « l’enfant inconnu » ! Non !

Cet enfant, dans l’étable de Bethléem, il s’agit de croire qu’il est encore à naître, que Dieu n’est pas le Dieu du passé mais de l’avenir, que la venue du Christ Sauveur se conjugue toujours au présent ou au futur immédiat.
Dieu n’habite pas « Impasse du passé » mais « Rue de la Bonne Nouvelle » !

Le jésuite François Varillon, lorsqu’on lui demandait « qui est Dieu ? » commençait par biffer à la craie l’un après l’autre sur le tableau tous les adjectifs habituellement accolés à Dieu ; il oubliait volontairement la « toute puissance », « l’omniscience », « l’omnipotence » de Dieu pour ne garder qu’un mot : AMOUR.

Dieu est amour. Dieu n’est qu’amour !

Et l’amour est toujours à naître dans nos vies, toujours en germination, en gestation, en espérance de voir le jour !

Oui, Frères et Sœurs, la bonne, la grande, l’incroyable nouvelle de cette nuit de Noël c’est que l’amour vient naître en nous aujourd’hui, dans nos vies, pour peu que, comme l’aubergiste de l’Évangile, nous ne lui claquions pas la porte au nez !


Car cette étable où « il n’y avait plus de place » ressemble si souvent à notre cœur. Ce cœur encombré de tant de préoccupations, de blessures, d’indifférence, de matérialisme futile… Ce cœur qui affiche si souvent « complet » !

Ce cœur claquemuré, verrouillé, cadenassé que le Christ vient fracturer en cette sainte nuit de Noël…

Incroyable message de la Nativité : voici que le « Tout Puissant », le « Créateur du ciel et de la terre » vient naître en nous, en chacune et chacun de nous, au cœur de notre humaine fragilité. Voici que le « Très Haut » vient se faire « Très Bas », tout proche.

Un Dieu à ras de terre !

Une légende raconte qu’à force de se pencher au grand balcon du ciel pour mieux entendre les cris et les appels à l’aide des hommes, Dieu est tombé. Il a fait une chute vertigineuse. Tout Dieu qu’il est, il s’est cassé la figure !

Dieu est toujours imprudent !

Il aurait pu se faire très mal, Dieu, en tombant de son trône. Il s’est d’ailleurs fait mal, infiniment mal, mais pas à Noël, plutôt à la fin de l’histoire, vers le dernier chapitre de l’Évangile, lorsque des hommes en armes et en certitudes se sont avisés de le reconduire à la frontière.

Car il était grand temps de le remettre en place : on n’avait jamais vu ça ! Pensez donc, un Dieu qui débarque ainsi, la nuit sans crier gare et qui vient frapper à la porte de l’humanité, sans y avoir été invité !

Le panneau à l’entrée était pourtant clair : « Complet » !

Mais Dieu a mis le pied en travers de la porte, il a joué des coudes, il a forcé le passage, la tête la première ! Un Dieu nu, fragile comme un nouveau-né.

Heureusement qu’elle était là, Marie pour accueillir l’immense dégringolade de Dieu.

Car il aurait pu se briser la Sainte Face en tombant sur les pierres sèches de nos cœurs endurcis.

Mais Marie était là, Marie est toujours là, à veiller, à attendre et à « entendre ».
Elle a l’oreille absolue, Marie ! Elle est sûrement musicienne, Marie !

Dans le grand fracas du monde, elle a perçu le fin silence que Dieu faisait en tombant. Dieu fait toujours silence lorsqu’il tombe dans nos bras.

Alors Marie a fait son doux métier de mère. Elle a ouvert son cœur et son corps à Dieu qui tombait dans notre humanité. Et Dieu ne s’est pas brisé, il s’est reçu dans l’infinie douceur d’une femme. Il s’est laissé mettre au monde par la tendresse d’une femme, par la tendresse d’un couple.

Noël ? Un Dieu tombé du ciel ! Un Dieu qui, à force de se pencher vers l’humanité, en tombe amoureux. Définitivement, irrémédiablement amoureux !

Alors, ce soir, Frères et Sœurs, le plus beau cadeau que nous avons à déballer au pied du sapin, c’est l’amour ! 

Osons offrir, de la part de Dieu, ce grand cadeau de l’amour. 

Mais attention : il est fragile ce cadeau, il faut l’offrir avec une infinie délicatesse.

À nos proches, à celle ou celui que nous aimons, aux enfants, aux parents, aux grands-parents, aux frères et sœurs, aux amis…

Aussi à celles et ceux que nous aimons moins ou mal.

À celles et ceux qui nous ont blessés ou que nous avons blessés.

Ce soir, il nous faut avoir particulièrement le cœur ouvert aux isolés, aux séparés, aux divorcés, aux remariés, aux réfugiés, aux sans-papiers, aux cabossés, aux rejetés, aux virés, aux licenciés, à tous ces oubliés qui attendent et espèrent que nous leur fassions enfin une place dans la crèche de notre cœur.

Ce soir, Frères et Sœurs, je vous souhaite de laisser l’amour de Dieu venir doucement forcer la porte de votre cœur. Même si ce cœur, comme l’étable de Bethléem, ne vous semble pas très présentable. Car, soyez-en certains, Dieu a choisi d’en faire son royaume !