25.11.09

Méditation pour le Dimanche 29 novembre 2009

Premier dimanche de l'Avent

L’Avent, temps de l’éveil…

Avouons-le franchement : chaque année, l’Avent nous prend un peu par surprise. Les rigueurs de l’hiver frappent à la porte, la fin de l’année et son lot de préoccupations nous assaillent... Pour celles et ceux qui travaillent, c’est une période souvent rude : bilan, clôture des comptes, négociations salariales, affluence dans les magasins… Le mois de décembre sent la surchauffe ! Et pour d’autres, les semaines qui s’annoncent suscitent comme un pincement au cœur : la perspective des fêtes réveille les douleurs de la solitude, de la séparation, du manque de travail… Difficile de trouver, dans nos agendas et dans notre cœur, du temps pour penser vraiment à la grande nouvelle de Noël. L’enfant de la Promesse débarque un peu comme un intrus dans nos vies …
On peut s’en inquiéter mais on peut aussi s’en réjouir : Dieu n’attend pas que notre « auberge intérieure » soit rangée, repeinte à neuf et tout à fait propre pour venir y naître ! C’est dans la mauvaise paille de nos vies dispersées et préoccupées qu’il vient offrir son premier sourire, c’est en pleine pâte et pesanteur humaine qu’il vient habiter.
Déjà à son époque, lorsqu’il annonce la venue d’un « germe de justice », le prophète Jérémie a sans doute l’impression de « prêcher dans le désert » ! Et Luc se voit contraint d’employer un genre littéraire impressionnant – assez courant à l’époque – , le style « apocalyptique » pour tenter de réveiller un peu un auditoire engourdis.
L’éveil : voici le maître mot pour ce temps de l’Avent ! L’Evangile nous l’annonce : Dieu arrive toujours à l’improviste. Alors demandons-nous comment, dans nos vies concrètes, familiales, conjugales, associatives, professionnelles, ecclésiales, nous pouvons faire un peu de place à l’éclosion de la divine promesse…

19.11.09

Méditer l'Evangile du dimanche 22 novembre

Le Christ roi de l’univers

Un roi à genoux…

Chaque année, le calendrier liturgique nous invite, juste avant l’entrée dans l’Avent, à fêter le « Christ Roi ». On pourrait dire que cette solennité est la fête du… monde à l’envers ! On nous annonce un monarque tout puissant et c’est un enfant nu qui vient naître sur la paille !
A l’époque de Jésus, le malentendu était patent. Le peuple juif espérait un libérateur. Il n’en pouvait plus de vivre sous le joug de l’occupant romain et sous la férule sournoise des « collabos » issus de ses propres rangs. Il attendait le « messie » (étymologiquement, celui qui a été « frotté d’huile », qui a reçu l’onction royale). Et pour eux, ce messie ne pouvait qu’être un chef de guerre prenant la tête de la résistance pour bouter l’ennemi hors des frontières. Et voici que vient Jésus, doux et humble, pacifiste avant l’heure : le « roi des armées » est … un roi désarmé !Le choix de l’évangile de ce jour peut sembler surprenant : il y est question du dialogue entre Pilate et Jésus, juste avant la Passion. Curieuse manière de nous faire entrer dans l’Avent ! Puissant raccourci symbolique pourtant qui nous invite, alors que nous nous approchons du berceau de la crèche, a nous souvenir que le messie qui vient sera un messie bafoué, rejeté, crucifié. C’est parce qu’il se donne totalement, qu’il s’agenouille devant l’homme pour lui laver les pieds, que le Christ devient roi ! En offrant la myrrhe, cette substance précieuse qui servait à embaumer les morts, l’un des « mages » rappellera ce scandale d’un Dieu prêt à mourir pour nous. « Quand j’essaie d’imaginer Dieu, je le vois en prière devant moi », disait le jésuite François Varillon.

7.11.09

Méditer les lectures du Dimanche 8 novembre 2009

32ème dimanche du Temps ordinaire (année B)

Nous pourrions, Frères et Sœurs, trouver bien des similitudes entre l’époque du prophète Elie et la nôtre…

Au moment où se déroule la scène de notre première lecture (nous sommes environ 900 ans avant Jésus-Christ), le Royaume du Nord d’Israël affronte une crise économique sans précédent.

Cette fois, le « crack » boursier n’est pas dû à des « traders » fous mais à une énorme sécheresse. Sans eau, pas de récolte ; sans récolte, pas de nourriture ni d’argent pour les échanges.

Rien ne va plus !

Et, comme d’habitude, ce sont les plus pauvres qui trinquent, celles et ceux qui n’ont pas pu faire de réserve.
Et qui ne disposent ni de « bonus », ni de « stock options » !

Cette crise économique se double d’une crise religieuse et morale qui, elle aussi, n’est pas sans rappeler certains aspects de notre « modernité ».
Le roi d’Israël a passé des alliances avec celui de Phénicie.
En épousant Jézabel, fille du roi de Tyr, le roi Achab a ouvert son palais, son royaume, son peuple tout entier à l’idolâtrie : la jeune reine païenne a apporté ses coutumes, ses prières, ses prêtres, ses statues d’idoles…

Pour elle, le roi Achab est en train de trahir la religion de ses pères, la religion d’Abraham, d’Isaac et de Jacob !

Face à cela, le prophète Elie est tout simplement furibard !
Et l’affrontement est inévitable…

Après quelques péripéties, Elie, sous le feu de la colère de la reine Jézabel, est contraint de s’exiler.

Notre texte le trouve affamé, désespéré, sans le moindre sou en poche, en terre étrangère, à proximité de Sarepta, petite ville, près de Sidon au bord de la Méditerranée.

Là, au bout du rouleau, il rencontre une veuve.

A l’époque le statut de veuve était terrible.
Lorsqu’une femme perdait son mari, elle n’avait pas droit à l’héritage qui restait entre les mains de sa belle-famille.
Du jour au lendemain, elle se retrouvait donc sans rien, ni toit, ni biens, ni ressources.

La pauvre veuve de Sarepta se sait donc sans avenir.

Survient alors cette scène étonnante : regardez bien !

A ma droite, un prophète exilé au bord de la dépression nerveuse.
A ma gauche, une veuve dont le congélateur et le compte en banque sont désespéramment vides…

Bonjour l’ambiance !

Eh bien, c’est de l’alliance entre ces deux désespérances que Dieu va faire jaillir l’espérance !

La pauvreté de l’une va voler au secours de la faiblesse de l’autre !

A horizon humain, tout semble fichu, aussi bien pour Elie que pour la veuve de Sarepta.
Mais l’Eternel va s’en mêler et ré-insuffler un peu de vie dans toute cette mort !
Le seul trésor qui reste à cette veuve, c’est sa foi, sa pauvre foi brinquebalante, sa petite foi pleine de doute.

Elle va écouter le prophète Elie dont le seul trésor est sa propre faim, son propre désir de continuer, malgré tout, à annoncer la venue de Dieu…

Elie, malgré sa déprime, va trouver le courage de faire son « job » de prophète qui est justement d’annoncer « de la part de Dieu » des jours meilleurs.

Et la veuve va oser le croire, et tout miser, donner son ultime reste d’huile et de farine.

C’est un sacré risque qu’elle prend.

Un risque vraiment « sacré », à ce point « sacré » qu’il va justement lui permettre de basculer de la mort à la vie !

Elle ose tout donner, et alors Dieu la comble.
Voici que, miraculeusement, sa jarre ne se vide plus.
Dieu donne en abondance.
Morale de l’histoire : la charité, l’amour ne s’usent que si l’on ne s’en sert pas !

Notre évangile ne nous dit pas autre chose aujourd’hui.

A l’époque de Jésus, la situation des veuves n’est pas plus enviable qu’à l’époque du prophète Elie.

Face à la salle du trésor, dans le Temple de Jérusalem, Jésus observe les donateurs et remarque une veuve qui donne deux piécettes, l’équivalent aujourd’hui de quelques centimes d’€uros, sans doute toute sa fortune.

Elle ne donne pas le surplus, elle donne le nécessaire.
Et le Christ ne voit qu’elle.
Le Christ trouve sa joie à regarder cette femme qui donne l’essentiel de ce qu’elle a.
Il sait, lui, le Christ, qu’il y a davantage de joie à donner qu’à recevoir !

Regardons, Frères et Sœurs, avec le Christ et le prophète Elie, ces deux femmes !
Elles ont quelque chose d’important à nous dire.
Elles ont connu le malheur dans leur existence, elles ont perdu ce qu’elles avaient de plus cher, l’amour de leur vie, elles éprouvent durement la pauvreté matérielle et affective…
Mais, paradoxalement, cette épreuve – que Dieu n’a pas voulue mais qui est là, si dure à vivre – leur permet de mesurer le prix de la vie.
Comme disait le philosophe Pascal : « L’homme est plus grand parce qu’il sait qu’il meurt ».

Ces pauvres petites veuves sont grandes, très grandes aux yeux de Dieu car, mieux que d’autres, elles savent que la vie n’a qu’un temps et qu’il est urgent de faire la part entre le futile, le secondaire, le paraître et l’essentiel.

Elles ne sont pas comme ces scribes « m’as-tu vu » que dénonce Jésus, englués qu’ils sont dans le paraître, le « chic et toc » et le « bling-bling » !

Leur blessure leur a ouvert le cœur.
Elles ont soif d’amour, elles ont faim de l’infinie tendresse de Dieu.
Elles savent qu’elles ne peuvent pas s’en sortir seules, qu’elles ne sont pas « auto-suffisantes », qu’elles ont besoin d’un Autre, d’un Sauveur.
Elles ont entendu l’appel de Dieu : « Venez à moi, vous tous qui ployez sous le fardeau. »


Voyez-vous, Frères et Sœurs, ces femmes sont un modèle pour nous. C’est parce qu’elles se reconnaissent et se savent fragiles qu’elles peuvent laisser le Sauveur venir les relever.

C’est toujours par nos blessures que Dieu entre en nos cœurs !

Le grand drame de notre époque, c’est que nous vivons si souvent avec le sentiment d’être comblés, d’avoir tout, de pouvoir vivre sans dépendre de rien ni de personne, « peinard » !

Notre désir, notre faim sont anesthésiés parce que nous nous croyons repus, « shootés » que nous sommes par notre confort moderne et tous les mirages de notre société de consommation.

Nos questions existentielles, nos interrogations sur le sens de la vie, nos désirs spirituels crèvent, étouffés qu’ils sont sous le mol édredon de tous ces avoir « plein nos armoires » qui nous empêchent d’être.


On pourrait, Frères et Sœurs, après avoir entendu ces lectures, s’en sortir à bon compte, croire que ce qu’il nous est simplement demandé, c’est d’être un peu plus généreux à la quête.
Il n’est pas interdit de le faire, bien sûr !

Mais le Christ n’est pas venu sur terre pour nous refiler une petite morale à quatre sous !

Il s’agit de toute autre chose :
être chrétien, se vouloir disciple de Jésus, ne se résume par « donner aux pauvres » !

Non ! Ce que le Christ nous demande c’est de « devenir pauvre », c’est de reconnaître notre pauvreté humaine, c’est d’oser enfin ouvrir les yeux sur nos fragilités, nos enfermements, nos « tombeaux »…

Dieu ne peut pas tendre la main à quelqu’un qui croit pouvoir marcher seul sur les eaux déchaînées.
Pour accueillir un « sauveur » - comme nous nous apprêtons à le faire avec l’Avent qui s’annonce déjà – encore faut-il avoir conscience d’avoir besoin d’être sauvé !

Oui, Frères et Sœurs, regardons ces deux femmes, ces deux veuves, ces deux pauvres : elles ont quelque chose d’essentiel à nous dire sur la manière dont nous avons à « habiter » notre foi chrétienne.

- Croire, c’est se donner, même si nous nous sentons pauvre, fragile, indigne, fatigué, même si nous croyons n’avoir plus rien à offrir, car seul le don de nous-mêmes nous sauve de la désespérance !

- Croire, c’est se laisser donner à manger et à boire par l’infinie tendresse de Dieu, reconnaissant enfin que nous avons faim et soif d’un Sauveur, que, toutes et tous, nous sommes des pauvres dans la main douce de Dieu.

- Croire c’est aussi donner de notre temps, de notre argent, de notre savoir, de nos compétences en faisant de vrais choix de vie, et pas en nous contentant de gérer confortablement le superflu, car la foi chrétienne sans la charité n’est rien d’autre qu’un mensonge !



- Croire c’est, comme le fit à Elie la veuve de Sarepta, donner à l’étranger qui crève de faim à nos portes, car l’accueil du pauvre n’est pas, en christianisme, matière à option ! Cette semaine, le rapport annuel du Secours catholique, dévoilait qu’en France, les femmes sont les premières victimes de la misère.

Oui, Frères et Sœurs, être disciple du Christ, ce n’est pas se « prêter » en contractant les meilleures assurances tous risques, c’est se donner, totalement, sans retour !

Oui, Frères et Sœurs, bâtir l’Eglise du Christ, ce n’est pas rester au chaud derrière nos murs mais aller résolument au monde, au cœur d’un monde blessé où la première « cathédrale » qu’il nous faut bâtir c’est l’homme !

Oui, Frères et Sœurs, osons laisser résonner dans nos cœurs de disciples du Christ les seules questions qui vaillent :

« Vers qui allons-nous ? »
« De quelle faim brûle notre cœur ? »
« Pour qui faisons-nous cuire le pain de la fraternité ? »