8.3.11

G.P.S. pour temps de Carême


« Ecouter ce que les eaux vives
de notre désir
ont à nous révéler
de notre soif intime. »



Prendre, entre ses doigts, un peu de cendre sur la margelle d’une cheminée encore frémissante ; sentir la tiédeur de la suie, ne pas craindre de se salir, se signer doucement comme on marque d’huile sainte le front d’un baptisé, laisser, comme un onguent, la trace sableuse du feu endormi pénétrer la peau, au plus profond…
On dit que les mystiques – qui sont aussi poètes ! – croient que la cendre est le meilleur des baumes sur les brûlures de l’âme…

Agripper l’échelle de meunier qui grimpe jusqu’au grenier de notre cœur, refermer un instant la trappe sur la rumeur du monde, demeurer seul, entre ciel et terre, laisser l’assourdissant silence de la divine présence prendre possession peu à peu de l’espace. Ouvrir le vasistas sur un carré d’azur, humer l’air frais, respirer la brise légère, souffle imperceptible de l’Esprit qui plane sur nos vies….
On dit que les mystiques – qui sont aussi poètes ! – croient que la vie spirituelle consiste, à chaque seconde, à inspirer à plein poumon le grand vent de la Parole…

S’arrêter de courir, oser s’asseoir au seuil du puits de notre propre désir. Ecouter ce que ses eaux vives ont à nous révéler de notre soif intime. Décider de ne rien décider, laisser notre fragile existence se laisser porter par les courants éternels. Se laisser enfin guider par Celui qui, seul, connaît le cap. Ne plus s’appartenir, tenter de se poser – et de se reposer – entre Ses mains…
On dit que les mystiques – qui sont aussi poètes – croient que pour croire il suffit juste de laisser la terre ocre de nos vies s’imbiber de cette eau vive dont le grand Potier se serre pour, de ses mains douces et rugueuses, nous façonner comme un vase d’argile…

Marcher vers la montagne et ses sentes oubliées ; s’écorcher les mains, le cœur et l’âme à la roche des passages difficiles, pleurer ce qu’il y a à pleurer, vider la rancune, assécher les regrets pour laisser place à l’indicible espérance, oser franchir le col escarpé du grand pardon et, tout à coup, devant l’infini beauté de la création, rendre grâce et chanter la joie de croire, plus forte que l’épaisse suie qui, si souvent, nous aveugle !
Les mystiques – qui sont aussi poètes ! – n’arrivent pas à ne pas croire depuis des millénaires, que, sous la cendre la plus noire et la plus froide, le feu couve et demeure, le grand feu, l’immense brasier qui dévore les madriers mal équarris de nos croix.

« J’aime les mystiques, dit Dieu, qui croient, envers et contre tout, à l’incroyable aube ténue du grand matin Pâques ! J’aime leurs yeux de poètes, dit Dieu, qui, au travers des troncs calcinés des blessures humaines, devinent déjà les buissons ardents du grand printemps de l’Esprit ! »