Dimanche 22 janvier 2017 - Troisième Dimanche Temps Ordinaire – Année A
L’Évangile de ce dimanche nous relate les tous débuts de la vie publique de Jésus et de sa
prédication.
Nous assistons à un
dramatique passage de témoin, entre Jean le Baptiste, dernier grand prophète du
Premier Testament et Jésus.
Nous sommes vraiment à la
charnière entre l’Ancienne et la Nouvelle Alliance.
Jean vient d’être arrêté et
va mourir en martyr et Jésus, qui a reçu de ses mains le baptême dans l’eau du
Jourdain, prend le relais.
Pour Jean, c’est le temps de
l’effacement.
Pour Jésus, celui de
l’éclosion.
Jean annonçait la grande
promesse de la venue d’un messie, d’un sauveur.
Jésus vient accomplir cette
promesse.
Comment se lance-t-il dans sa
mission ?
Notre texte nous donne de précieuses
indications :
Tout d’abord, ce départ,
cette mise en route de Jésus, se situe à Capharnaüm, ville-carrefour de
Galilée, située au bord du lac de Tibériade, ville où cohabitent des
populations aux origines mêlées, ville qu’on appelait alors le « carrefour
des Nations ».
Comme souvent dans la Bible,
le lieu indiqué n’est pas simplement géographique mais symbolique.
Ainsi, la Bonne Nouvelle,
s’offre, dès le début de la prédication de Jésus, à toutes et à tous, pas d’abord aux plus proches, aux plus
« pratiquants », aux meilleurs « observants », mais d’emblée
également aux « lointains », aux mal croyants, aux différents, aux « pas
comme il faut » !
Cette « grande
lumière » annoncée à Noël est pour tous, pas uniquement réservée aux juifs
pieux, aux « bons paroissiens » et aux pratiquants réguliers !
Dès l’origine, la parole de Jésus est placée sous le signe de l’ouverture, de
la sortie, du déplacement. Jésus n’attend pas qu’on vienne à Lui ; c’est
lui qui va vers l’autre, tout autre, quelque soit son histoire, ses origines,
son « degré » de foi, sa « confession », sa
« conformité » au dogme et à la bonne morale…
Jésus n’invite pas à se
replier dans un sanctuaire, entre « purs », bien à l’abri derrière
leur muraille face à un monde prétendument décadent ; il regarde le monde
(avec ses ombres et ses lumières, ses grandeurs et ses faiblesses) comme le
seul « sanctuaire » pouvant accueillir sa divine Présence.
Désormais, c’est le cœur de
tout homme qui est le « tabernacle » de sa présence.
Sa question – qui est la nôtre
aujourd’hui – n’est pas tant de savoir qui vient encore dans nos églises ;
mais vers qui va l’Église ?
L’autre indication que nous
livre notre texte d’Évangile est que, dès l’origine, le Christ ne se lance pas
seul dans sa mission.
Il refuse le rôle du sauveur
tout puissant et omnipotent. Dès le départ, il indique que sa mission ne pourra
pas s’accomplir sans l’aide des hommes. Et il n’appelle pas des surhommes, mais
des gens ordinaires, simples, limités, tissés,
comme vous et moi, de pesanteur et de grâce.
Jésus remet le trésor de
l’évangélisation au creux de nos mains tremblantes et rugueuses ; il fait
porter l’annonce de la Bonne Nouvelle sur nos épaules fragiles ; il fait
alliance avec l’humanité concrète et souvent blessée pour annoncer au monde l’espérance…
D’emblée, l’annonce de l’Évangile suppose une démarche collective,
communautaire et fraternelle.
Comme si le message des
Béatitudes (que nous entendrons dimanche prochain) ne pouvait résonner et
donner sa fécondité que dans la mesure où il est annoncé à plusieurs…
En contemplant cette scène où
Jésus appelle par son prénom chacun de ses disciples, laissons résonner en
notre cœur plusieurs questions :
-
Que faire contre
cette surdité qui si souvent s’empare de nous et nous empêche d’entendre le
Christ nous appeler chacune et chacun par notre prénom ? Comment
désensabler l’oreille de notre cœur ?
-
Comment répondre
concrètement, dans la vie qui est la nôtre, à cet appel de Jésus, à nous mettre
en route, à quitter nos habitudes, nos certitudes, le confort de nos
communautés pour aller, avec lui, à la rencontre des « Nations », ces
« lointains » si proches, qui campent à nos portes, et que nous ne voyons pas, ou que nous ne voulons
pas voir ?
L’Évangile précise que les
disciples « laissent leurs filets » pour le suivre. Qu’est-ce que
cela veut dire pour nous ?
Nous n’avons pas
nécessairement à quitter notre propre vie pour « laisser tout ».
Nous sommes sans doute même
d’abord appelé à entendre cet appel à « tout laisser » au cœur de
l’existence qui est la nôtre, au cœur de nos engagements familiaux,
professionnels et autres.
Oser laisser sur la berge de
notre propre vie ces « filets », ces peurs, ces fausses sécurités qui
nous entravent et nous empêchent si souvent d’aimer large.
L’appel, la
« vocation » (qui n’est pas réservée aux moines et aux
consacrés !) devrait attiser en nous le désir de nous
« déplacer » même si, apparemment, nous restons immobile dans la vie
qui est la nôtre. Changer de vision du monde, opter pour une autre échelle de
valeur devant ce que nous appelons notre « réussite ». Un déplacement
intérieure, une mise en route, un décentrement qui mettra toujours davantage le
Christ au centre de nos jours.
Un déplacement social aussi, et
solidaire. Devenir « pêcheur d’hommes », à la suite du Christ, c’est
sortir de soi pour porter secours à toutes celles et tous ceux qui se noient
dans les flots tempétueux de l’indifférence et des égoïsmes.
Car, à quoi bon aller nous agenouiller devant le tabernacle, si, du même mouvement, nous
refusons de nous agenouiller devant le frère qui souffre à nos portes ?
« Dieu n’a que nos mains
et que notre cœur pour aimer ce monde et le transformer » disait Sœur
Emmanuelle !