21.6.10

Mon Père, mon Frère

En marge de l'année presbytérale...

À toi qui parla avec passion à l’enfant que j’étais de cet homme nommé Jésus, je veux dire merci.
À toi qui fus mon aumônier, au collège, aux scouts, au lycée, je veux dire merci.
À toi qui fis découvrir au jeune étudiant le feu de l’Évangile, je veux dire merci. À toi qui célébras notre mariage : merci.
À toi qui fus toujours attentif, lorsque la vie se fit doutes et blessures : merci. À toi qui célébras le baptême de nos enfants, le « départ » d’un parent, présence fraternelle aux grands événements de la vie : merci.

À toi qui choisis d’être prêtre au travail, curé d’une banlieue « difficile », pour offrir une once d’espérance aux O.S. de la vie : merci.
Merci à toi – à vous, tous les prêtres qui croisèrent ma route – d’avoir osé la belle folie de l’Évangile.
Merci, ami curé, d’être cet homme donné à notre petit peuple en chemin.
Merci pour ta prière, tes encouragements, tes saintes colères, ta fatigue, ta patience, tes impatiences, tes homélies lumineuses, tes sermons ennuyeux, ton amitié fidèle, tes blagues de curé, ton « col romain » ou ton « col roulé ».

Merci pour cette vie choisie malgré d’inévitables blessures.
Pudique, tu les évoques peu, mais je sais tes heures de solitude, ces instants où la tendresse d’une femme te manque, où s’avive l’absence d’enfant…
Parfois, tu te dis que ce célibat si fécond pour certains est peut-être trop lourd pour d’autres pourtant habités d’une authentique vocation.
Tu te prends à rêver du jour où le choix sera possible pour les générations qui te suivent.

Je sais aussi combien tu aimes cette Église que tu sers avec générosité, même si parfois elle te blesse par ses lenteurs, ses peurs, ses rigidités, ses retours en arrière. Mais je sais aussi les joies que te procurent ses avancées, ses courages, ses paroles de vie, cette magnifique utopie évangélique qu’elle annonce, à temps et à contretemps, à tous les assoiffés de ce monde.
Je sais tes agacements devant certaines lois ecclésiales que ta fidélité t’invite à respecter, mais qui brisent ton cœur de pasteur devant l’urgence qu’il y a à offrir un visage de compassion à celles et ceux qui souffrent dans leur vie et dans leurs amours.
Je sais combien tu aspires à une Église où le partenariat clercs-laïcs, hommes-femmes, jeunes prêtres-curés plus âgés, évêques-fidèles, Rome-diocèses soit plus confiant. Mais je sais aussi comment, sans te lasser, tu te fais artisan, là où tu es envoyé, de cette confiance, de cette communion toujours à bâtir.

Tu aurais bien des raisons de te décourager, ami curé, dans cette Église occidentale qui se cherche un avenir, que des scandales secouent, mais tu marches sur le chemin au côté de celui qui est la Source et ton cœur brûle à l’écho de sa Parole.
Tu nous accueilles, qui que nous soyons, dans cette Église superbement divine et pauvrement humaine, à bord de cette jeune vieille barque que tu aimes malgré tout. Pour nous, avec nous, tu gardes le cap de bonne espérance car tu sais que la joie nous est promise.
De tes mains surgit le pain pour la route.
Tu es prêtre, mon Frère.
Avec toi, nous sommes l’Église…
Merci !

13.6.10

Méditation pour le dimanche 13 juin 2010

11ème Dimanche du Temps Ordinaire Année C

Nos trois lectures, Frères et Sœurs, se sont données le mot aujourd’hui, pour essayer de nous faire un peu réfléchir à l’attitude que nous entretenons avec la loi, avec la morale…
Il est vrai que notre manière d’envisager à quelle condition peut nous être accordé le pardon de Dieu n’est pas toujours très juste, il faut bien l’avouer.
Nos lectures de ce jour peuvent nous aider à faire un bout de chemin spirituel !

Commençons par cet épisode célèbre mais pas très glorieux de la vie du grand roi David.

David, un soir, alors qu’il se promène sur la terrasse de son palais à Jérusalem, aperçoit une très jolie jeune femme en train de… prendre son bain.
Je vous laisse imaginer la scène…
…enfin, pas trop quand même !!!

Immédiatement, il désire cette femme, la splendide, la douce, la fascinante Bethsabée.
Mais pas de chance, elle est mariée à Ourias le Hittite partit, au nom du roi, faire le siège de l’ancêtre de la ville d’Amman.
David n’hésite pas très longtemps, cède à ses pulsions, envoie paître la bonne morale et séduit Bethsabée.

Mais notre feuilleton biblique se complique lorsque, quelques temps plus tard, la belle tombe enceinte.
Gare au scandale !

David imagine alors un vilain stratagème : il trouve une mission plus ou moins « bidon » pour faire revenir Ourias, le temps d’une permission.
Ainsi, lorsque le guerrier aura passé quelques jours avec son épouse, il sera facile de lui attribuer l’enfant.

Mais, nouveau rebondissement :Ourias, bien qu’il ne soit pas juif, sait que la loi de Moïse impose la continence aux guerriers en campagne. Il refuse donc d’aller chez lui retrouver sa femme.
Le scandale risque d’éclater : l’article dans le « Canard enchaîné » de l’époque se profile dangereusement à l’horizon !

Que faire ?
Je vois à vos yeux, Frères et Sœurs, que vous attendez l’épisode suivant de cette version biblique de « Plus belle la vie » !

Le voici : David renvoie Ourias au front et demande à ses chefs de le placer en première ligne afin qu’il se fasse tuer.
Pas d’autre solution que d’éliminer le mari gênant.

Ce qui, tristement, arrive.
Les délais légaux du deuil passé, David peut enfin installer officiellement Bethsabée au palais et reconnaître l’enfant.

Histoire sordide qu’on croirait sorti d’un mauvais scénario de « série B » mais qui se trouve pourtant en toutes lettres dans la bible, au 2ème livre de Samuel.

Et la morale, me direz-vous ?
Eh bien la voici, dans notre texte qu’il nous faut regarder de près !

Le prophète Natan, parfaitement au courant des turpitudes de son roi, va trouver David.
Habilement, il commence par lui raconter une petite histoire :
« je connais un homme qui, dans une ville de ton royaume, s’est mal conduit. Bien que riche et possédant un important bétail, il a chipé la seule agnelle de son voisin pour ripailler avec ses amis ».
David et choqué et veut immédiatement sévir.

Alors Natan lui dit : « ce mauvais riche, c’est toi ! »

On imagine aisément la scène suivante : poussant son avantage le prophète Natan pourrait passer un « savon » royal à David, le mettre face à son péché, le plonger dans sa culpabilité, lui faire la honte de sa vie…

Eh bien, il fait exactement le contraire !
Avant d’obtenir le moindre regret de David, Natan lui annonce que Dieu ne renie aucun de ses bienfaits !

Il fait la liste de tout ce que Dieu lui a donné et il ajoute même cette phrase surprenante :
«si ce n’est pas encore assez, j’y ajouterai tout ce que tu voudras ».

Voici, Frères et Sœurs, sans doute l’une des plus belles définitions du pardon !

Dieu passe par-delà le péché et l’infidélité de David, Dieu continue d’aimer et de donner.
Natan dit tout cela à David avant qu’il ait le temps d’ouvrir la bouche et d’exprimer le moindre pardon.

Autrement dit, Frères et Sœurs, le pardon de Dieu n’est pas conditionné par notre conduite, par nos actes.
Il est d’avance donné. Ce n’est pas par nos actes – fussent-ils de repentance - que nous sommes « justifiés », c’est-à-dire, comme un instrument de musique, « accordé » à l’amour de Dieu. C’est par grâce, par don gratuit de Dieu

C’est parce que, tout à coup, il se sait pardonné, que David prend conscience de son péché !
Et qu’enfin il se met spirituellement en marche sur un chemin de renouveau.

Autrement dit, Frères et Sœurs, comme souvent avec le Christ des Béatitudes, l’ordre des choses est inversé.

Nous croyons que notre changement d’attitude est un préalable au pardon de Dieu, alors que c’est l’inverse.

Dieu ne met pas de condition à son pardon et à son amour.
Le changement d’attitude n’est pas le préalable au pardon, il en est la conséquence !

Puisque, malgré ce que j’ai pu faire ou dire, Dieu me garde son amour, je ne peux qu’être entraîné, devant un tel amour, un tel pardon totalement gratuit, à changer.

C’est, si j’ose dire, Frères et Sœurs, une « sacré » révolution dans notre conception de la morale !

Saint Paul nous le dit à sa façon très théologique dans notre seconde lecture : « ce n’est pas en observant la Loi que l’homme devient juste devant Dieu, mais seulement par la foi en Jésus Christ ».

Autrement dit : ce n’est pas en obéissant aveuglément à des principes moraux – fussent-ils extraordinaires - que je m’ajuste à Dieu, ce n’est pas en respectant toute une liste de règles qui me rassurent en me faisant espérer être du « bon côté », c’est en prenant conscience de l’amour infini et inconditionnel de Dieu pour moi que je suis amené à changer, à me renouveler.

Dieu aime le premier, qui que je sois, et quoi que j’ai pu faire. La grâce est toujours donnée !

Maurice Zundel, un prêtre suisse qui fut un grand maître spirituel, le dit avec ses mots :

« L’Evangile est une mystique, ce n’est pas une morale. Une morale, c’est une conformité à une Loi. Une mystique, c’est une prise de position en face de Quelqu’un. »

Dans notre épisode évangélique, on voit bien que le pharisien ne comprend rien à ce qui se passe sous ses yeux.
Comment Jésus peut-il laisser une prostituée se comporter ainsi ?
Il devrait la chasser car elle doit d’abord, selon la « bonne morale » pharisienne, commencer par changer de vie avant d’oser se présenter ainsi devant le Seigneur.

Mais c’est justement parce que Jésus ne la chasse pas, que cette femme pleure et lave de ses larmes les pieds du Christ.
Elle a immédiatement compris qu’elle était d’emblée pardonnée, que le pardon de Dieu lui est accordé sans condition préalable.
Cela n’efface pas sa faute. Elle connaît son péché mais elle se sait pardonnée sans condition.
Elle sait maintenant le chemin de conversion qu’elle doit accomplir.

Pour conclure, Frères et Sœurs, je vous invite à ne pas « zapper » la fin de notre passage d’Evangile.
Il est dit de Jésus qu’il était accompagné des Douze « ainsi que des femmes qu’il avait délivrées d’esprit mauvais ».

Ainsi, les pécheurs pardonnés marchent dans le sillage du Christ, sans être condamnés, rejetés, interdits de pardon, exclus de la sainte table de la Résurrection.

A méditer dans notre Eglise d’aujourd’hui, dans notre communauté, dans nos relations avec celles et ceux que nous jugeons et rejetons parfois au nom de la conception souvent étriquée que nous nous faisons de la morale chrétienne.

Blaise Pascal a écrit quelque part :

« La vraie morale se moque de la morale » !

Amen.

2.6.10

Méditation pour le dimanche 6 juin 2010

Saint sacrement du corps et du sang du Christ

Donnez-leur vous-même à manger...

« Donnez-leur vous mêmes à manger ». Nous ne méditerons jamais assez ces mots du Christ dans lesquels se concentre toute notre mission de chrétiens.
La foule est là, en plein désert. Les disciples ont les pieds sur terre : ils savent que les gens ont faim et qu’il est impossible de les nourrir. La meilleure solution est donc de les renvoyer vers les villages alentour. Mais, une fois encore, Jésus les surprend. Contre toute logique, il prétend nourrir la foule. Ou, plus exactement, il affirme que ses disciples vont pouvoir le faire ! Le Christ ne leur donne pas un ordre, mais témoigne une confiance sans limites. Eux s’estiment incapable de répondre aux attentes de la foule. Lui les convainc qu’ils peuvent le faire.
Le véritable miracle n’est pas tant la multiplication des pains et des poissons mais la conversion des disciples qui, poussés, portés par la foi que Jésus met en eux, se découvrent la force de nourrir et d’aimer leurs frères.
Souvent, nous sommes comme les disciples : devant l’urgence de la tâche et l’étendue du champ à moissonner, nous perdons courage. Comment répondre à toutes ces faims et soifs de notre monde ? Seuls, nous ne pouvons pas grand-chose. Mais nous pouvons laisser le Christ décupler, multiplier nos pauvres forces humaines. Il nous faut pour cela nourrir notre propre faim et soif à la table où Jésus nous convie.
Le saint Sacrement ? Meilleur chemin vers nos frères et sœurs !