7.12.13

C'est l'Avent qui s'avance...


C’est l’Avent qui s’avance, et qui, joyeusement, nous entraîne vers les terres fécondes de l’attente.
Voici que, pas à pas, il nous faut réapprendre la patience des lentes germinations. L’Éternel a son rythme : à quoi bon le brusquer ?
Vivons  ce cœur à cœur de l’Avent en marchant doucement  vers la très humble lueur d’un Dieu qui se fait homme.
Divine humilité d’un Dieu à ras de terre qui vient confier sa toute-puissance aux mains d’un nouveau-né.
Noël qui approche, c’est Dieu à hauteur d’homme.
C’est l’homme relevé, toutes ses pesanteurs libérées par la grâce…
L’Avent, c’est comme un main d’homme qui, tendrement, caresse le ventre de la promesse.
L’Avent, c’est la paume de Dieu sur le fruit de nos âmes qui, patiemment, attend nos secrets mûrissements.
L’Avent, c’est une femme étonnée qui, soudain, devient mère en prenant dans ses bras l’enfant qui vient la mettre au monde.
Noël qui approche, c’est la naissance de l’homme autant que celle de Dieu !
Mince trouée de lumière dans l’obscurité drue de nos vie, aube nouvelle sur tant de nos blessures…
C’est l’Avent qui s’avance et trace son improbable voie au cœur de nos ténèbres.
Noël qui vient, Noël en nous, Noël autour de nous, Noël malgré tout.
Noël qui naît… si nous le laissons naître.

1.12.13

Méditation pour le 1er Dimanche de l'Avent


Commençons par nous pencher sur ce magnifique Psaume 121 que nous venons d’entendre. Il fait partie d’une série de psaumes qu’on nomme les « psaumes des montées ». Ce sont des prières que les pèlerins chantaient en arrivant à Jérusalem (généralement accompagnées d’un instrument à cordes, le « psalterion », d’où le mot « psaume ») .

Après des jours de marche, en passant par Jéricho, les pèlerins montaient sur le mont des oliviers et pouvaient enfin contempler Jérusalem.

Si l’Eglise nous propose ce beau psaume des montées en ce 1er dimanche de l’Avent, c’est que nous avons, nous aussi, à nous faire pèlerins, à nous mettre en marche, à monter, pas à pas, jour après jour, vert ce « sommet » de la vie chrétienne qu’est l’incarnation, ce grand mystère par lequel Dieu se fait homme parmi les hommes…

Nous ne marcherons pas vers les splendeurs du Temple de Jérusalem mais vers une obscure bourgade, Bethléem, en Judée où va naître un « roi » sans couronne, sans armée, sans pouvoir temporel.

Comme si, déjà en naissant, le Christ voulait nous entraîner d’urgence vers ces « périphéries » qu’évoque si souvent le pape.

Comme si le fils de Dieu préférait naître dans les banlieues, les favelas de toutes les pauvretés  et de toutes les blessures humaines…

Comme si, en naissant, il venait nous provoquer à sortir de notre confort, de nos habitudes, de nos schémas de pensée…

Notre psaume nous annonce que notre pèlerinage, notre montée, nous donnera une chose essentielle : la Paix.

« Paix à ceux qui t’aiment » dit le psaume.

Voici donc une première indication pour, pendant ce temps de l’Avent, nous préparer à Noël : nous avons à chercher la paix, à bâtir la paix.

Ce que nous confirme ce très beau passage d’Isaïe (dans notre première lecture) :

« De leurs épées ils forgeront des socs de charrues, et de leurs lances, des faucilles ».

Il s’agit, bien entendu, de faire la paix autour de nous : l’enfant de la Promesse, le Fils de Dieu ne peut pas naître au milieu de nos divisions.

Si nous voulons vraiment que le Christ vienne naître dans nos vies, nous avons à nous faire artisans de l’amour, du pardon, de l’écoute, du dialogue dans tous les lieux où nous sommes engagés : notre famille, notre couple, notre communauté, notre milieu professionnel ou associatif, notre ville (même en période électorale ! Surtout en période électorale !), notre Eglise aussi où, suivant nos « sensibilités ecclésiales », nous sommes parfois si prompts à nous faire des procès…

Mais la paix dont parle l’Ecriture, c’est aussi la Paix du cœur, la paix intérieure.

Pour naître en nous, au plus profond de notre cœur, le Christ a absolument besoin que nous lui construisions, pendant chaque jour de l’Avent, une sorte de « berceau » de paix dans lequel il pourra naître, respirer, grandir…

Ecoutons ce que nous dit le pape François dans cette magnifique exhortation apostolique parue cette semaine et qu’il vient de consacrer à « la joie de l’évangile ».

« Quand la vie intérieure se ferme sur ses propres intérêts, il n’y a plus de place pour les autres, les pauvres n’entrent plus, on n’écoute plus la voix de Dieu (…) J’invite chaque chrétien à renouveler aujourd’hui même sa rencontre personnelle avec Jésus Christ ou, au moins, à prendre la décision de se laisser rencontrer par lui, de le chercher chaque jour sans cesse. »

Vous le savez, Frères et Sœurs, lorsqu’une naissance s’annonce dans une famille, on fait de la place, on prépare une chambre, on la repeint, on la décore. Eh bien, l’Avent, c’est pareil !

Il nous faut préparer notre chambre intérieure, faire de la place, faire le ménage, repousser les murs pour que le Christ ait l’espace nécessaire, propre et lumineux, pour venir naître en nous, pour respirer en nous, pour rire joyeusement en nous !

Ces travaux d’aménagement intérieur supposent que nous nous posions des questions toutes simples :

Qu’est-ce qui, dans ma vie, est vraiment essentiel ? Qu’est-ce qui passe avant tout ?

Et que puis-je faire pour que cet « essentiel » soit réellement au cœur de mon existence ?

Isaïe, comme le psalmiste, nous invite, à « monter sur la montagne » : cela veut dire que nous sommes invités, pendant ce temps de l’Avent, à « prendre de la hauteur » pour mieux discerner ce qui, dans notre existence, est essentiel.

Saint Paul, dans son épître, nous explique, à sa façon, comment faire cette ascension de l’Avent.

« L’heure est venue de sortir de votre sommeil ».

Et si, entendant saint Paul, nous prenions enfin conscience à quel point nous vivons le plus souvent dans une sorte de léthargie spirituelle ?

Nous courons après toutes nos préoccupations extérieures mais nous délaissons cette belle et lente ascension intérieure qu’est la vie chrétienne…

Nous sommes si souvent des chrétiens endormis, des chrétiens si peu chrétiens, frileux et conformistes, des chrétiens anesthésiés !

La foi est un travail (au sens où, pour une femme qui accouche, on parle du travail d’enfantement).

Si nous voulons que Dieu vienne naître dans nos vies, nous avons à faire ce travail, à laisser de la place à Dieu dans nos vies ; si possible la première place.

C’est de ce travail spirituel dont nous parle l’Evangile de ce jour : ne vous y trompez pas, lorsque le texte nous dit que sur les deux hommes au champ « l’un sera pris et l’autre laissé », il ne s’agit pas de faire le partage entre les bons et les méchants.

Nous ne sommes pas dans un western !

Non, il s’agit, à l’intérieur de chaque homme, de chacune et chacun d’entre nous, de faire ce travail de partage, d’émondage, entre la nuit et la lumière, entre les forces de vie et les puissances de mort.

Entre « la pesanteur et la grâce » aurait dit la philosophe Simone Weil.

L’Avent nous invite au combat spirituel : nous avons à chercher, dans le secret de notre cœur, ce que nous pouvons faire modestement, humblement pour qu’il y ait un peu plus de lumière et d’amour, en nous et autour de nous.

Je nous souhaite, en ce 1er dimanche de l’Avent, de nous mettre en route, comme des pèlerins, vers ce Bethléem secret qui se trouve au centre de notre cœur et où Dieu attend de naître.

C’est en naissant en chacune et chacun d’entre nous que le Christ pourra réellement venir au monde et, à travers nous,  tendre ses bras secourables à toutes les pauvretés !

Alors le chemin intérieur de l’Avent nous projettera vers ces « périphéries qui ont besoin de lumière», là  où les  urgences de ce monde, les vies blessées nous appellent .

En un mot, Frères et Sœurs, l’Avent nous convoque à un double mouvement :

Une plus grande intériorité pour accueillir le Christ en nous et une plus grande extériorité qui, au nom du Christ, nous tournera vers le monde. Et n’ayons pas peur de nous compromettre et de nous salir en allant vers ce monde !

« Je préfère, nous dit encore le pape François, une Eglise accidentée, blessée et sale pour être sortie par les chemins, plutôt qu’une Eglise malade de la fermeture et du confort de s’accrocher à ses propres sécurités » !

10.10.13

Le Bonheur à portée de main


Méditations sur les Béatitudes
ou l'impossible possible

Très belle soirée ce 9 octobre à la paroisse St Merry, dans le quartier Hall-Beaubourg, à Paris, autour du nouveau livre de Daniel Duigou (dont j'ai le bonheur d'être l'éditeur). 
Ne manquez pas ce livre étonnant : "Le bonheur à portée de main/Méditation sur les Béatitudes ou l'impossible possible". 
Fort de sa triple expérience de prêtre, journaliste de télévision et psychanalyste, Daniel Duigou a écrit ce beau texte dans la solitude de son ermitage du sud marocain. 

Avec les Béatitudes, Jésus nous invite à trouver dans nos propres failles les raisons de croire en nous-mêmes, de choisir la liberté de notre destin, de faire dans notre histoire la vérité. D'inventer notre avenir pour le bonheur d'aimer...
Un nouveau livre Médiaspaul, dans la toute nouvelle collection "Spiritualité".


Clin d'oeil aux amis libraires et aux communautés chrétiennes : Daniel Duigou est un excellent conférencier. 
Pourquoi ne pas prévoir une belle soirée avec lui ?



20.9.13

Saint "Pognon" !


Méditation pour le 25 dimanche du Temps Ordinaire. 22 septembre 2013

« Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent » 

Voilà un slogan qui a le mérite d’être clair, frères et sœurs !
Difficile de faire plus « carré » !
Difficile de livrer cette affirmation à une interprétation doucereuse et édulcorante !
Inutile d’essayer d’arrondir les angles…

Jésus ne nous l’envoie par dire : il y a un lien entre notre foi et…notre fric !

Une connexion « 4 G » entre l’autel et le portefeuille, l’oratoire et le compte en banque, le tabernacle et…le coffre-fort !

Déjà, vers 750 avant Jésus-Christ, le prophète Amos (notre 1ère lecture) se met en rogne contre les dirigeants de Samarie.
Le pays connaît alors une période de prospérité économique…qui devrait profiter à tous. Ce qui, hélas, est loin d’être le cas !

Déjà à l’époque, l’enrichissement des uns creuse l’appauvrissement des autres. Pour ne pas crever de faim, les plus pauvres n’ont pas d’autre solution que de se vendre comme esclaves « pour une paire de sandales ».

Pour s’enrichir un peu plus, les filous en tous genres trafiquent les instruments de mesure.

Pour s’en mettre un peu plus dans les poches, ils revendiquent le droit de travailler pendant le sabbat et la fête de la nouvelle lune.

Pour un peu, ils courraient tous s’ouvrir un compte en Suisse !

Alors Amos râle et il a raison : « Vous écrasez les pauvres, vous anéantissez les humbles du pays ».

Il reviendrait aujourd’hui, il n’aurait pas à changer beaucoup son discours !

Il lui faudrait juste rafraichir un peu le vocabulaire : remplacer « blé » par stock-options astronomiques, « froment » par golden-parachutes invraisemblables, « balances trafiquées » par fraude fiscale, « esclaves » par travailleurs précaires…exploités jusqu’à la corde dans les soutes de notre capitalisme échevelé et de notre libéralisme déshumanisé !

C’est comme si, frères et sœurs, l’appât du gain, le « toujours plus » étaient inscrits dans le code génétique de l’homme depuis la nuit des temps…

Comme si, depuis toujours, l’homme se laissait engluer dans le culte sacré du « TPMG » : « Tout Pour Ma Gueule » !

Et, dans notre Évangile, Jésus en remet une couche !

Oui, on ne peut pas servir Dieu et l’argent !
Soit on décide de servir Dieu, soit on sert le « saint pognon » !
Impossible de concilier les deux !

Faut-il en conclure, frères et sœurs, que le Christ – et l’Église à sa suite – sont définitivement contre l’argent ?
Faut-il en déduire que l’argent est, pour la morale catholique, toujours mauvais, dangereux, impur ? 
Faut-il ne voir dans l’argent que nous gagnons qu’un instrument de péché ?

Non.
La doctrine sociale de l’Église ne condamne pas l’argent.

D’ailleurs Jésus et ses disciples utilisent l’argent pour leurs échanges, l’un des leurs tient même le budget.

Alors qu’en est-il ?

Commençons par ne pas faire de contre-sens.
Dans la phrase : « Vous ne pouvez pas servir Dieu et l’argent », le mot servir est utilisé dans son sens religieux.

Autrement dit, il s’agit de ne pas se mettre au service de l’argent comme on se mettrait au service d’un Dieu.

Ne pas faire de l’argent une idole mais le laisser à sa juste place : un moyen d’échange.

L’Église n’est pas naïve, ni irénique : elle sait bien que pour vivre il faut gagner de l’argent.
François de Salles affirme même que c’est le « devoir d’état » du père de famille…

L’Église ne considère pas non plus les « riches » systématiquement comme de « mauvais paroissiens ».
Elle n’est pas contre le profit, qui est un signe de bonne santé pour les entreprises, à condition que le profit soit un moyen et non un but en soi.
Elle ne prêche pas une sorte d’égalitarisme sans nuance, façon « dictature bolchévique du prolétariat » !

L’argent n’est pas, pour la morale catholique, intrinsèquement mauvais.

Sauf lorsqu’on le sert comme un esclave son maître.

Certains sont tellement obnubilés par ce qu’ils possèdent ou pourraient posséder qu’ils en deviennent eux-mêmes « possédés » presqu’au sens diabolique du terme.

Si l’argent peut être un bon « serviteur », il est toujours un mauvais « maître » ! Voilà, en gros, ce que nous dit l’Église.

« Si vous amassez des richesses, n’y mettez pas votre cœur » nous dit le psaume…

Alors, Frères et Sœurs, profitons des lectures de ce dimanche pour nous interroger :

1   1)Quel est mon rapport à l’argent ? Est-il pour moi un simple moyen pour vivre et faire vivre les miens ? Ou bien ai-je avec l’argent un rapport plus ambiguë, moins clair qu’il n’y paraît ? Qu’est-ce que j’attends de mon salaire ? De quoi vivre ? Ou autre chose ? Y a-t-il dans mon rapport à l’argent une quête un peu obscure, une manière d’évaluer « ce que je vaux », une forme de revanche sociale, une manière de me rassurer, de me sentir appartenir à un certain milieu, de me comparer, de me valoriser, parfois  au risque d’écraser les autres ?

2) Lorsque je dépense mon argent, pour des achats ou des impôts, mon premier élan est-il de systématiquement râler parce « c’est trop cher » ou bien ai-je – après un éventuel et légitime débat sur le coût de la vie et la politique fiscale – le réflexe de mettre des visages, des familles, des vies sur les billets qui quittent mon portefeuille ?

3) Si je gagne plus que ce dont j’ai besoin, que fais-je du surplus ? Au-delà de l’épargne à laquelle m’incite la prudence et qui n’est pas moralement condamnable, est-ce que je thésaurise, ou est-ce que je suis ouvert au don ? Est-ce que j’épargne uniquement pour mes propres enfants, ma propre famille, uniquement les miens ou est-ce que je suis prêt, via des associations compétentes, à tendre la main aux lointains plus pauvres que je ne connais pas ?

Oui, Frères et Sœurs, faire œuvre de discernement au sujet de ce que nous faisons de notre argent n’est pas, en christianisme, une option facultative.

Il y a quelques années, les évêques de France ont incité les chrétiens à réfléchir à de « nouveaux modes de vie », plus simples, moins dans le « toujours plus », davantage ouverts au partage et à la solidarité. Leurs questions n’ont cessé de devenir plus urgentes dans une société où la fracture sociale est profonde.

Nous ne pouvons pas ne pas nous interroger sur nos propres modes de vie…
        
Laissons-nous interpeller par le Pape François lorsqu’avec vigueur il dénonce « le fétichisme de l’argent », « la dictature de l’économie sans visage, ni but vraiment humain », une société où « l’être humain est considéré comme étant lui-même un bien de consommation qu’on peut utiliser, puis jeter. » Lorsqu’il dénonce « l’accroissement exponentiel du revenu d’une minorité, tandis que celui de la majorité s’affaiblit »…

Oui, Frères et Sœurs, nous ne pouvons pas nous approcher de cet autel qui est, par excellence, la « table du pauvre », sans nous demander comment, concrètement, nous participons au combat contre les « faims humaines » de toutes sortes…

Saint Jean Chrysostome dans une retentissante homélie n’y allait pas avec le dos de cuillère !

« Ne pas faire participer les pauvres à ses propres biens, c’est les voler et leur enlever la vie. Ce ne sont pas nos biens que nous détenons, mais les leurs » !

Rude, mais plutôt bien envoyé !

Amen.

(c) Bertrand Révillion 2013

30.6.13

Méditation pour le dimanche 30 juin


Une charrue et un manteau…

La Bible aime le langage symbolique ! Notre première lecture en est riche… Ce célèbre épisode du Livre des Rois raconte la succession (au 9ème siècle avant J.C.) entre deux grands prophètes : Elie et Élisée. Au travers de ce récit, la tradition voit un modèle pour toute vocation chrétienne.
Le vieil Elie trouve Élisée « en train de labourer » : c’est au cœur de la vie la plus quotidienne que Dieu me rejoint pour m’appeler à le suivre...
Le texte précise (ce n’est pas un hasard !) qu’Élisée termine le « douzième arpent » de son champ. Dans le langage biblique, le chiffre douze est signe d’accomplissement : au moment où il entend l’appel, Élisée a accompli le premier versant de sa vie. Il pourrait s’installer dans le contentement du « devoir accompli » mais Dieu l’invite à s’engager sans attendre dans un nouveau « champ »…
Pas si facile ! Élisée hésite… Puis tranche par un geste fort : il sacrifie ses bœufs et brûle son attelage. Coupant ainsi avec son ancienne vie. Désormais, plus rien ne le retient : le voilà libre d’endosser le manteau d’Elie, c’est-à-dire de s’en faire l’héritier. Plus tard, Saint Paul reprendra l’image du manteau lorsqu’il dira qu’être « baptisé en Christ », c’est « revêtir le Christ ».
Juillet qui s’ouvre, temps favorable pour s’interroger… 
Dans le quotidien de mes jours, comment puis-je mieux laisser résonner l’appel du Seigneur ? A quel « champ » nouveau, à quelle liberté nouvelle m’invite-il ? Que me faut-il « brûler » pour mieux  le suivre et me vêtir de son « manteau » d’Évangile ?
Laisser, dans la prière, le Christ me murmurer une réponse… L’entendre me dire : « Celui qui met la main à la charrue et regarde en arrière n’est pas fait pour le Royaume ».
Croire, avec Lui, que la fidélité qui plait à Dieu, c’est la fidélité à l’avenir !

Bon été à toutes et à tous…

26.5.13

Dieu n'est pas solitaire !

Homélie à l'occasion de la fête de la Sainte Trinité


Une semaine après la Pentecôte où nous avons reçu le don de l’Esprit, l’Église nous invite aujourd’hui à méditer sur le grand mystère de la Trinité.
Alors, Frères et Sœurs, nous pourrions commencer par un petit sondage ! Histoire de vérifier un peu notre degré de connaissance des 3 personnes de la Trinité…
Avouons que nous serions sans doute un peu embarrassés : 

Le « Fils », nous le connaissons par le récit qu’en font les Évangiles ; nous connaissons ses gestes, ses paroles, son histoire  au travers du témoignage de ses disciples et des 4 évangélistes…

Le « Père », nous nous en approchons un peu au travers de la Révélation biblique, mais il nous semble parfois plus « lointain » comme le vigoureux barbu sur son nuage peint par Michel Ange au plafond de la chapelle Sixtine !

Quant à « l’Esprit », il est bien souvent pour nous « l’inconnu de la Trinité » ! Un « anonyme » dont pourtant, le Christ nous informe qu’il est celui qui « nous guidera vers la Vérité toute entière »…

Cette idée que Dieu est Un en trois « personnes » est un grand mystère qu’aucun article de catéchisme ne peut totalement expliquer.

Un mystère n’est pas une énigme, façon « Da Vinci Code » qu’à force d’enquête, nous pourrions élucider.

Un mystère, c’est un langage qui tente de dévoiler l’indicible, de murmurer autrement ce que les mots peinent à dire…
Une proposition de « mise en route », une invitation au déplacement, à l’interrogation intérieure…

Voyez-vous, Frères et Sœurs, je crois que grandir dans la foi c’est prendre régulièrement le  temps de nous interroger sur ce que nous disons et récitons lorsque nous proclamons notre foi.

Lorsque nous débutons nos prières et nos liturgies par cette formule à laquelle nous ne faisons bien souvent plus attention  - « Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit »-, que disons-nous, que professons-nous ?

Ce n’est que progressivement que les chrétiens ont évoqué, pour parler de Dieu, la « Sainte Trinité ». Cette idée étrange que Dieu est à la fois Un et Trois…

Cette formule ne se trouve d’ailleurs pas explicitement dans les Évangiles, elle n’apparaît qu’au IIIème  siècle.

Il s’agit alors de trouver « les mots pour Le dire », Lui, le Dieu d’amour en qui tout n’est que relation.
Il s’agit de trouver l’expression la plus juste – tout en sachant qu’elle n’épuisera pas la totalité du mystère -  pour évoquer un Dieu tellement Amour qu’en Lui tout n’est que relation…

Sur la célèbre icône de Roublev, on découvre trois personnages attablés devant une coupe ; si nous regardons cette icône avec attention, nous constaterons que les yeux des trois personnes se croisent et se regardent continuellement… Belle prouesse artistique, et belle manière de dire que Dieu n’est pas « solitaire » mais éternellement « solidaire » !

Cette icône est comme une parabole de notre propre vie spirituelle : l’Esprit qui habite en nous, depuis la Pentecôte, depuis notre baptême, est comme le « regard » entre le Fils et le Père, comme l’énergie qui relie le Père et le Fils…
Notre vie chrétienne consiste donc essentiellement à ne pas faire obstacle, en nous, à l’échange d’amour entre les trois personnes de la Trinité.

Oui, Frères et Sœurs, croire, c’est veiller à ne pas nous mettre, nous et notre ego si encombrant, en travers du chemin de l’Esprit qui, en nous – et si possible avec nous ! – cherche à nous entraîner, à la suite du Christ, vers le Père.

« La Trinité, écrit le Père Maurice Zundel, cela veut dire que Dieu n’est pas quelqu’un qui se regarde et tourne autour de soi, qui se gargarise de Lui-même, mais au contraire Quelqu’un qui se donne… Dieu est une communion, une respiration d’amour… »

Notre tâche de croyant consiste donc à faire en sorte que cette « respiration » ne soit pas, en nous et par nous, étouffée.
En nous l’Esprit est souvent à l’étroit, il a besoin de se mettre à l’aise, de prendre de la place, de saisir fermement le gouvernail de notre existence…

J’étais dimanche dernier dans un minuscule hameau du massif de la Chartreuse. Nous y avons célébré la Pentecôte avec un ermite qui vit, la plupart du temps, en grande solitude. Cet homme a été prêtre ouvrier, membre de la Mission de France, engagé comme maçon dans de grand chantier internationaux du bâtiment. Puis il s’est mis à vivre la nuit, à la rue, pendant plusieurs années aux côtés des Sdf de Paris. Puis un jour il a choisit de s’enfoncer plus avant dans la prière, le « grand silence », une solitude peuplée de mille visages. Sur un petit cahier, il écrit les noms et les histoires humaines, souvent blessées, qu’on lui confie.
Cet homme n’est pas un surhomme ni un super chrétien. Il a, comme vous et moi, ses limites. Mais il a choisi de laisser le grand vent de l’Esprit tendre la frêle voile de son existence…
Et nous, dans les vies qui sont les nôtres, que faisons-nous pour laisser de la place à l’Esprit ? Quels risques prenons-nous ? Quels déplacements consentons-nous ? Osons-nous « lâcher prise » et laisser l’Esprit prendre pour nous, avec nous et en nous, le « bon cap » ?

Saint Athanase d’Alexandrie, au IVème siècle utilise une image féconde pour tenter de dévoiler ce grand mystère de la Trinité: « le Père est la source, le Fils est le fleuve qui transmet l’eau, et nous buvons l’Esprit ».
 
Alors, Frères et Sœurs, ayons soif de cette eau-là !
Ecoutons l’appel vigoureux de ce nouveau pape François à la parole si libre et si réjouissante : ne devenons pas des « chrétiens insipides, des chrétiens de musée ! »

Amen.