2.12.09

Comment vivre l'Avent ?

Un Dieu tombé du ciel…

« Heureusement qu’elle était là, Marie pour
accueillir l’immense dégringolade de Dieu… »



Comment vivre l’Avent ?
Comment entrouvrir nos lourdes portes à l’Inespéré ?
Comment s’affranchir des nuits noires de nos peurs ?
Comment passer dans la toile rêche de nos vies bouleversées le fin fil d’or de l’éternité ?
Comment vivre l’Avent ?
Ressortir la vieille crèche du grenier ? Aligner les santons de Provence sur le « papier rocher » ? Ranger dans le tiroir, le «petit Jésus », en attendant la « douce nuit, sainte nuit » de Noël pour le placer entre le bœuf et l’âne ?
Pourquoi pas !
Mais quoi d’autre encore ?
Et qui donc est-il Celui-là qui nous parle d’attendre sa venue?
Ne sait-il donc pas combien nous sommes pressés par le difficile métier de vivre !
Que nous veut-il Celui-là qui nous presse de nous mettre en route, dans la sombre froidure de nos hivers, vers l’incertaine lueur de notre propre enfantement ?
De quoi se mêle-t-il, Celui-là, à venir sans permission ensemencer les grandes friches de nos espérances en jachère ?
Ne peut-il donc pas, Celui-là, nous laisser tranquillement fêter Noël à notre guise, déballer nos cadeaux, sabrer le champagne, souffler les bougies d’anniversaire d’un si joli conte, d’une si douce légende, verser, ému, une petite larme nostalgique sur ce temps d’avant où l’enfant que nous étions y croyait encore un peu !
Mais Dieu se fiche du « temps d’avant » !
Dieu ne parle pas les langues anciennes !
Dieu n’habite plus « Impasse du passé » !
Un soir où imprudent – Dieu est toujours imprudent ! –, il se penchait à la rambarde du grand balcon du ciel pour mieux entendre le cri des hommes, Dieu est tombé. Il a fait une chute vertigineuse, fatale. Tout Dieu qu’il est, il s’est cassé la figure ! Sa très sainte face de Dieu Tout Puissant, Omniscient et Omnipotent en a pris un sacré coup sur la tête !
Il aurait pu se faire très mal, en tombant. Dieu s’est d’ailleurs fait mal, infiniment mal, mais plus tard, au dernier chapitre, lorsque des hommes en armes et en certitudes se sont avisés de le reconduire à la frontière !
Car il était grand temps de le remettre à sa place : on n’avait jamais vu cela ! Pensez donc, un Dieu qui débarque ainsi, la nuit, sans crier gare, et qui vient frapper à la porte de l’humanité, sans y avoir été invité ! Le panneau, à l’entrée, était pourtant clair : « Complet ! ».
Mais Dieu a mis le pied au travers de la porte, il a joué des coudes, à forcé le passage, la tête la première ! Un Dieu déshabillé, totalement nu, fragile comme un nouveau-né ruisselant d’eau et de sang…
Heureusement qu’elle était là, Marie pour accueillir l’immense dégringolade de Dieu. Car il aurait pu se briser les os en tombant sur les pierres sèches de nos cœurs endurcis.
Mais Marie était là, Marie est toujours là, à veiller, à attendre et « entendre ». Elle a l’oreille absolue, Marie ! Elle est sûrement musicienne, Marie ! Dans le grand fracas du monde, elle a perçu le fin silence que Dieu fît en tombant. Dieu fait toujours silence quand il tombe dans nos bras !
Alors Marie a fait son doux métier de mère. Elle a ouvert son corps et son cœur à Dieu qui tombait. Et Dieu ne s’est pas brisé, il s’est reçu dans l’infinie douceur d’une femme.
Noël ? Un Dieu tombé du ciel ! Un Dieu qui, sans filet, tombe amoureux de notre humanité…Vivre l’Avent ? Tâcher d’entendre le fin silence que fait la Parole lorsqu’elle nous tombe doucement sur le cœur…

25.11.09

Méditation pour le Dimanche 29 novembre 2009

Premier dimanche de l'Avent

L’Avent, temps de l’éveil…

Avouons-le franchement : chaque année, l’Avent nous prend un peu par surprise. Les rigueurs de l’hiver frappent à la porte, la fin de l’année et son lot de préoccupations nous assaillent... Pour celles et ceux qui travaillent, c’est une période souvent rude : bilan, clôture des comptes, négociations salariales, affluence dans les magasins… Le mois de décembre sent la surchauffe ! Et pour d’autres, les semaines qui s’annoncent suscitent comme un pincement au cœur : la perspective des fêtes réveille les douleurs de la solitude, de la séparation, du manque de travail… Difficile de trouver, dans nos agendas et dans notre cœur, du temps pour penser vraiment à la grande nouvelle de Noël. L’enfant de la Promesse débarque un peu comme un intrus dans nos vies …
On peut s’en inquiéter mais on peut aussi s’en réjouir : Dieu n’attend pas que notre « auberge intérieure » soit rangée, repeinte à neuf et tout à fait propre pour venir y naître ! C’est dans la mauvaise paille de nos vies dispersées et préoccupées qu’il vient offrir son premier sourire, c’est en pleine pâte et pesanteur humaine qu’il vient habiter.
Déjà à son époque, lorsqu’il annonce la venue d’un « germe de justice », le prophète Jérémie a sans doute l’impression de « prêcher dans le désert » ! Et Luc se voit contraint d’employer un genre littéraire impressionnant – assez courant à l’époque – , le style « apocalyptique » pour tenter de réveiller un peu un auditoire engourdis.
L’éveil : voici le maître mot pour ce temps de l’Avent ! L’Evangile nous l’annonce : Dieu arrive toujours à l’improviste. Alors demandons-nous comment, dans nos vies concrètes, familiales, conjugales, associatives, professionnelles, ecclésiales, nous pouvons faire un peu de place à l’éclosion de la divine promesse…

19.11.09

Méditer l'Evangile du dimanche 22 novembre

Le Christ roi de l’univers

Un roi à genoux…

Chaque année, le calendrier liturgique nous invite, juste avant l’entrée dans l’Avent, à fêter le « Christ Roi ». On pourrait dire que cette solennité est la fête du… monde à l’envers ! On nous annonce un monarque tout puissant et c’est un enfant nu qui vient naître sur la paille !
A l’époque de Jésus, le malentendu était patent. Le peuple juif espérait un libérateur. Il n’en pouvait plus de vivre sous le joug de l’occupant romain et sous la férule sournoise des « collabos » issus de ses propres rangs. Il attendait le « messie » (étymologiquement, celui qui a été « frotté d’huile », qui a reçu l’onction royale). Et pour eux, ce messie ne pouvait qu’être un chef de guerre prenant la tête de la résistance pour bouter l’ennemi hors des frontières. Et voici que vient Jésus, doux et humble, pacifiste avant l’heure : le « roi des armées » est … un roi désarmé !Le choix de l’évangile de ce jour peut sembler surprenant : il y est question du dialogue entre Pilate et Jésus, juste avant la Passion. Curieuse manière de nous faire entrer dans l’Avent ! Puissant raccourci symbolique pourtant qui nous invite, alors que nous nous approchons du berceau de la crèche, a nous souvenir que le messie qui vient sera un messie bafoué, rejeté, crucifié. C’est parce qu’il se donne totalement, qu’il s’agenouille devant l’homme pour lui laver les pieds, que le Christ devient roi ! En offrant la myrrhe, cette substance précieuse qui servait à embaumer les morts, l’un des « mages » rappellera ce scandale d’un Dieu prêt à mourir pour nous. « Quand j’essaie d’imaginer Dieu, je le vois en prière devant moi », disait le jésuite François Varillon.

7.11.09

Méditer les lectures du Dimanche 8 novembre 2009

32ème dimanche du Temps ordinaire (année B)

Nous pourrions, Frères et Sœurs, trouver bien des similitudes entre l’époque du prophète Elie et la nôtre…

Au moment où se déroule la scène de notre première lecture (nous sommes environ 900 ans avant Jésus-Christ), le Royaume du Nord d’Israël affronte une crise économique sans précédent.

Cette fois, le « crack » boursier n’est pas dû à des « traders » fous mais à une énorme sécheresse. Sans eau, pas de récolte ; sans récolte, pas de nourriture ni d’argent pour les échanges.

Rien ne va plus !

Et, comme d’habitude, ce sont les plus pauvres qui trinquent, celles et ceux qui n’ont pas pu faire de réserve.
Et qui ne disposent ni de « bonus », ni de « stock options » !

Cette crise économique se double d’une crise religieuse et morale qui, elle aussi, n’est pas sans rappeler certains aspects de notre « modernité ».
Le roi d’Israël a passé des alliances avec celui de Phénicie.
En épousant Jézabel, fille du roi de Tyr, le roi Achab a ouvert son palais, son royaume, son peuple tout entier à l’idolâtrie : la jeune reine païenne a apporté ses coutumes, ses prières, ses prêtres, ses statues d’idoles…

Pour elle, le roi Achab est en train de trahir la religion de ses pères, la religion d’Abraham, d’Isaac et de Jacob !

Face à cela, le prophète Elie est tout simplement furibard !
Et l’affrontement est inévitable…

Après quelques péripéties, Elie, sous le feu de la colère de la reine Jézabel, est contraint de s’exiler.

Notre texte le trouve affamé, désespéré, sans le moindre sou en poche, en terre étrangère, à proximité de Sarepta, petite ville, près de Sidon au bord de la Méditerranée.

Là, au bout du rouleau, il rencontre une veuve.

A l’époque le statut de veuve était terrible.
Lorsqu’une femme perdait son mari, elle n’avait pas droit à l’héritage qui restait entre les mains de sa belle-famille.
Du jour au lendemain, elle se retrouvait donc sans rien, ni toit, ni biens, ni ressources.

La pauvre veuve de Sarepta se sait donc sans avenir.

Survient alors cette scène étonnante : regardez bien !

A ma droite, un prophète exilé au bord de la dépression nerveuse.
A ma gauche, une veuve dont le congélateur et le compte en banque sont désespéramment vides…

Bonjour l’ambiance !

Eh bien, c’est de l’alliance entre ces deux désespérances que Dieu va faire jaillir l’espérance !

La pauvreté de l’une va voler au secours de la faiblesse de l’autre !

A horizon humain, tout semble fichu, aussi bien pour Elie que pour la veuve de Sarepta.
Mais l’Eternel va s’en mêler et ré-insuffler un peu de vie dans toute cette mort !
Le seul trésor qui reste à cette veuve, c’est sa foi, sa pauvre foi brinquebalante, sa petite foi pleine de doute.

Elle va écouter le prophète Elie dont le seul trésor est sa propre faim, son propre désir de continuer, malgré tout, à annoncer la venue de Dieu…

Elie, malgré sa déprime, va trouver le courage de faire son « job » de prophète qui est justement d’annoncer « de la part de Dieu » des jours meilleurs.

Et la veuve va oser le croire, et tout miser, donner son ultime reste d’huile et de farine.

C’est un sacré risque qu’elle prend.

Un risque vraiment « sacré », à ce point « sacré » qu’il va justement lui permettre de basculer de la mort à la vie !

Elle ose tout donner, et alors Dieu la comble.
Voici que, miraculeusement, sa jarre ne se vide plus.
Dieu donne en abondance.
Morale de l’histoire : la charité, l’amour ne s’usent que si l’on ne s’en sert pas !

Notre évangile ne nous dit pas autre chose aujourd’hui.

A l’époque de Jésus, la situation des veuves n’est pas plus enviable qu’à l’époque du prophète Elie.

Face à la salle du trésor, dans le Temple de Jérusalem, Jésus observe les donateurs et remarque une veuve qui donne deux piécettes, l’équivalent aujourd’hui de quelques centimes d’€uros, sans doute toute sa fortune.

Elle ne donne pas le surplus, elle donne le nécessaire.
Et le Christ ne voit qu’elle.
Le Christ trouve sa joie à regarder cette femme qui donne l’essentiel de ce qu’elle a.
Il sait, lui, le Christ, qu’il y a davantage de joie à donner qu’à recevoir !

Regardons, Frères et Sœurs, avec le Christ et le prophète Elie, ces deux femmes !
Elles ont quelque chose d’important à nous dire.
Elles ont connu le malheur dans leur existence, elles ont perdu ce qu’elles avaient de plus cher, l’amour de leur vie, elles éprouvent durement la pauvreté matérielle et affective…
Mais, paradoxalement, cette épreuve – que Dieu n’a pas voulue mais qui est là, si dure à vivre – leur permet de mesurer le prix de la vie.
Comme disait le philosophe Pascal : « L’homme est plus grand parce qu’il sait qu’il meurt ».

Ces pauvres petites veuves sont grandes, très grandes aux yeux de Dieu car, mieux que d’autres, elles savent que la vie n’a qu’un temps et qu’il est urgent de faire la part entre le futile, le secondaire, le paraître et l’essentiel.

Elles ne sont pas comme ces scribes « m’as-tu vu » que dénonce Jésus, englués qu’ils sont dans le paraître, le « chic et toc » et le « bling-bling » !

Leur blessure leur a ouvert le cœur.
Elles ont soif d’amour, elles ont faim de l’infinie tendresse de Dieu.
Elles savent qu’elles ne peuvent pas s’en sortir seules, qu’elles ne sont pas « auto-suffisantes », qu’elles ont besoin d’un Autre, d’un Sauveur.
Elles ont entendu l’appel de Dieu : « Venez à moi, vous tous qui ployez sous le fardeau. »


Voyez-vous, Frères et Sœurs, ces femmes sont un modèle pour nous. C’est parce qu’elles se reconnaissent et se savent fragiles qu’elles peuvent laisser le Sauveur venir les relever.

C’est toujours par nos blessures que Dieu entre en nos cœurs !

Le grand drame de notre époque, c’est que nous vivons si souvent avec le sentiment d’être comblés, d’avoir tout, de pouvoir vivre sans dépendre de rien ni de personne, « peinard » !

Notre désir, notre faim sont anesthésiés parce que nous nous croyons repus, « shootés » que nous sommes par notre confort moderne et tous les mirages de notre société de consommation.

Nos questions existentielles, nos interrogations sur le sens de la vie, nos désirs spirituels crèvent, étouffés qu’ils sont sous le mol édredon de tous ces avoir « plein nos armoires » qui nous empêchent d’être.


On pourrait, Frères et Sœurs, après avoir entendu ces lectures, s’en sortir à bon compte, croire que ce qu’il nous est simplement demandé, c’est d’être un peu plus généreux à la quête.
Il n’est pas interdit de le faire, bien sûr !

Mais le Christ n’est pas venu sur terre pour nous refiler une petite morale à quatre sous !

Il s’agit de toute autre chose :
être chrétien, se vouloir disciple de Jésus, ne se résume par « donner aux pauvres » !

Non ! Ce que le Christ nous demande c’est de « devenir pauvre », c’est de reconnaître notre pauvreté humaine, c’est d’oser enfin ouvrir les yeux sur nos fragilités, nos enfermements, nos « tombeaux »…

Dieu ne peut pas tendre la main à quelqu’un qui croit pouvoir marcher seul sur les eaux déchaînées.
Pour accueillir un « sauveur » - comme nous nous apprêtons à le faire avec l’Avent qui s’annonce déjà – encore faut-il avoir conscience d’avoir besoin d’être sauvé !

Oui, Frères et Sœurs, regardons ces deux femmes, ces deux veuves, ces deux pauvres : elles ont quelque chose d’essentiel à nous dire sur la manière dont nous avons à « habiter » notre foi chrétienne.

- Croire, c’est se donner, même si nous nous sentons pauvre, fragile, indigne, fatigué, même si nous croyons n’avoir plus rien à offrir, car seul le don de nous-mêmes nous sauve de la désespérance !

- Croire, c’est se laisser donner à manger et à boire par l’infinie tendresse de Dieu, reconnaissant enfin que nous avons faim et soif d’un Sauveur, que, toutes et tous, nous sommes des pauvres dans la main douce de Dieu.

- Croire c’est aussi donner de notre temps, de notre argent, de notre savoir, de nos compétences en faisant de vrais choix de vie, et pas en nous contentant de gérer confortablement le superflu, car la foi chrétienne sans la charité n’est rien d’autre qu’un mensonge !



- Croire c’est, comme le fit à Elie la veuve de Sarepta, donner à l’étranger qui crève de faim à nos portes, car l’accueil du pauvre n’est pas, en christianisme, matière à option ! Cette semaine, le rapport annuel du Secours catholique, dévoilait qu’en France, les femmes sont les premières victimes de la misère.

Oui, Frères et Sœurs, être disciple du Christ, ce n’est pas se « prêter » en contractant les meilleures assurances tous risques, c’est se donner, totalement, sans retour !

Oui, Frères et Sœurs, bâtir l’Eglise du Christ, ce n’est pas rester au chaud derrière nos murs mais aller résolument au monde, au cœur d’un monde blessé où la première « cathédrale » qu’il nous faut bâtir c’est l’homme !

Oui, Frères et Sœurs, osons laisser résonner dans nos cœurs de disciples du Christ les seules questions qui vaillent :

« Vers qui allons-nous ? »
« De quelle faim brûle notre cœur ? »
« Pour qui faisons-nous cuire le pain de la fraternité ? »

27.10.09

Fêter tous les Saints...

Héritiers et bâtisseurs…

A la fin de la Bible, un texte mystérieux vient clore le Nouveau Testament : l’Apocalypse dont l’Eglise nous invite à lire un extrait en ce jour de Toussaint. Le mot « apocalypse » a pris dans le langage moderne un sens péjoratif : l’apocalypse, c’est un peu « la fin du monde ! Sous la plume de Jean, le mot a un tout autre sens : certes, il est question de la « fin des temps », mais non pas annoncée comme une catastrophe, mais comme une bonne nouvelle ! L’apocalypse nous « dévoile », nous « révèle » - c’est le sens étymologique du mot – au travers d’une sorte de long poème, ce qu’est le Salut et comment il est à l’œuvre dans l’Histoire. La scène qui nous est décrite aujourd’hui est impressionnante : on y voit l’immense cortège des « élus », une foule innombrable venue de tous les horizons. C’est le peuple de croyants marchant, à travers le temps et l’histoire, vers la joie éternelle ; c’est ce peuple de saints, connus ou anonymes, dont l’Eglise nous invite à faire mémoire aujourd’hui.
Dans la ferveur de cette fête – qui n’est pas triste commémoration des morts mais réjouissance pour les « vivants en Dieu» - , nous pouvons prendre conscience a quel point nous sommes les héritiers de toutes ces femmes, de tous ces hommes qui, depuis l’aube du christianisme, ont choisi de laisser la frêle lueur de la foi éclairer leur vie.
Oui, la foi chrétienne est beau passage de relais : voici que, de main à main, de cœur à cœur, nous nous transmettons, tant bien que mal, de génération en génération, la grande nouvelle des Béatitudes. Célébrer la Toussaint, c’est donc se savoir héritiers de la foi de nos prédécesseurs : c’est aussi – fort de cet héritage - se faire bâtisseurs de l’avenir…

20.10.09

Méditer l'évangile du dimanche 18 octobre 2009

29ème dimanche du temps ordinaire (B)

Non violence



Jacques et Jean ne manquent pas de culot ! Les voilà qui réclament les meilleures places au paradis… Manque flagrant d’humilité ? Rien n’est moins sûr : en fait, ils ont peurs. Sur le chemins qui les mènent à Jérusalem, Jésus leur a annoncé sa passion. Ils sont scandalisés et cherchent à se rassurer : s’il faut aller jusqu’à la tragédie qu’au moins ce soit pour partager ensuite le Royaume !
Leur question maladroite traduit le malaise de l’ensemble des disciples, et sans doute le nôtre également, encore aujourd’hui. Pourquoi faut-il donc que le propre fils de Dieu meurt ? Pourquoi faut-il donc qu’il se mette à genoux et lave les pieds de ses disciples, comme un esclave ? C’est le monde à l’envers !
Lorsque les prophètes annonçaient la venue du « Fils de l’homme », n’évoquaient-ils pas un roi puissant ? C’est à ne rien y comprendre : voici que le Messie tant attendu se présente comme un être fragile, bientôt terrassé par le tribunal des hommes…
Avouons-le, cette histoire de sang versé en « rançon pour la multitude » nous choque … Mais gare au contresens ! Le mot « rançon » évoque pour nous la somme exigée par des ravisseurs contre la libération de leur otage. Dans notre passage, le mot « rançon » a un tout autre sens. Il est dérivé d’un verbe qui signifie « délier », « détacher »… Jésus ne verse donc pas son sang pour apaiser la prétendue colère de Dieu contre l’humanité. Non, le Père n’exige nullement le sacrifice de son Fils !
Ce qu’il espère, c’est que nous entendions enfin la parole d’amour du Christ, que nous découvrions enfin que la seule libération possible passe, non par la violence, mais par l’agenouillement devant l’homme…

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7.10.09

Vers qui va l'Eglise ?

Dans le livre dense et prophétique qu’il publie ("J'aimerai vous dire" Entretiens avec Dennis Gira. Editions Bayard), Albert Rouet pose la question : « Vers qui va l’Eglise ? » L’archevêque de Poitiers trempe sa plume dans une solide espérance ou se mêle une once d’inquiétude.
De fait, le constat est rude : alors qu’il connaît une certaine vitalité sous d’autres latitudes, le catholicisme affronte, dans notre monde occidental, une crise sans précédant. On peut, hélas, aligner les statistiques en bernes (pratique, ordination, catéchisation…) mais le plus grave n’est pas là. En dépit d’une timide et ambivalente vague d’intérêt pour le « spirituel », notre monde industrialisé semble inexorablement entraîné vers une indifférence religieuse de masse.
L’homme « moderne » occidental semble désormais pouvoir passer une bonne part de sa vie à ne tout simplement pas se poser la question de Dieu ! Et il ne s’agit pas là de théorie : nous avons toutes et tous, dans notre entourage, des enfants, petits-enfants, amis, collègues pour qui la foi n’a même plus rang de simple hypothèse !
Dépositaire du trésor de l’Evangile, l’Eglise a de bonnes raisons de s’inquiéter : comment « dire Dieu » à un monde qui n’a – apparemment – plus soif de transcendance ? Rude défi !
Avec courage, elle cherche sa voie, entre défiance et confiance à l’égard d’une modernité qu’elle a de plus en plus de mal à comprendre. La tentation est forte de se laisser aller à l’angoisse, de se raidir, de condamner un monde « sans Dieu », de se replier dans une contre-culture catholique intransigeante.
Compréhensible, cette voie est pourtant sans issue.
L’Eglise n’a pas d’autre chemin que celui du monde. « La spécificité chrétienne consiste à mêler notre langage au langage des autres et à se positionner, non pas en concurrence, mais en dialogue avec le monde » écrit Albert Rouet.
On peut certes continuer de se lamenter en comptant les chaises vides de nos paroisses, bâtir des stratégies pour regonfler les rangs, tenter de doper le recrutement des séminaires, chercher à être « moderne » ou au contraire faire appel aux « modèles de toujours » en soufflant sur les braises de la nostalgie.
On peut débattre à l’infini sur le sens de sacré, recadrer les normes liturgiques, inviter à communier debout, à genoux, dans les mains ou dans la bouche, célébrer en français ou en latin, en aube ou en chasuble… On peut continuer de s’agiter autours de toutes ces questions qui ne sont pas toutes inintéressantes : l’urgence n’est pas là !
Plus que jamais, il nous faut être une Eglise « hors les murs », une Eglise qui se risque aux « frontières », une Eglise « bilingue » qui ose parler la langue et la culture des hommes et des femmes d’aujourd’hui. Une Eglise fraternelle qui ose venir s’asseoir, « en terre étrangère », au bord du puits pour écouter les soifs, les cris, les questions, les douleurs, les secrètes espérances des hommes et des femmes de ce temps.
L’Eglise est ainsi faite qu’elle n’est vraiment elle-même qu’en dehors de chez elle ! L’Eglise est fille de l’exode, sans cesse remise au monde par un Christ éternellement pèlerin, toujours en marche vers l’ autre, le différent, et d’abord le pauvre, le malade, le fragile…Oui, l’urgence est de remettre l’Eglise au monde !

2.9.09

Souvenir du Mont St Michel















Le 4 juillet dernier, nous étions plus de 600 personnes à vivre le "pélerinage Panorama" au Mont St Michel, entrainé par Mgr Stanislas Lalanne, accueilli par les Fraternité de Jérusalem, partageant les réflexions de Jean-Marie Petitclerc, Nadine Grandjean et Colette Nys-Mazure. Une "traversée" autant physique, amicale, conjugale, familiale que spirituelle...










25.8.09

Méditer l'Evangile du dimanche 30 août

22ème Dimanche du Temps Ordinaire

Hypocrites !


Jésus ne l’envoie pas dire : il y a une manière de vivre la religion qui est hypocrite. Etymologiquement, l’hypocrite est celui qui « fait l’acteur », qui « mime un rôle », autrement dit qui se situe dans le paraître, la « frime », la « poudre aux yeux » !
Sur le fond, le Christ n’a rien contre les rites de purifications des juifs ; il ne remet pas en cause la tradition reçu des pères… Il demande « simplement » que le cœur et les actes s’accordent. Rien de pire que de respecter à la lettre les observances religieuses et de vivre comme si la foi ne changeait pas la vie !
Voilà une affirmation revigorante en ce temps de « rentrée » que nous pouvons traduire en question : « Je me dis croyant, disciple du Christ, mais, concrètement, quelles conséquences cela a-t-il sur mes choix de vie, sur mes priorités familiales, conjugales, ecclésiales, sur mon rapport à l’argent, au pouvoir, à l’ambition ? »
A l’heure où l’agenda va bientôt se remplir à nouveau, il est bon d’entendre saint Jacques nous dire : « Mettez la Parole en application, ne vous contentez pas de l’écouter (…) La manière pure de pratiquer la religion, c’est de venir en aide aux orphelins et aux veuves… »
Et demandons-nous, qui sont, à l’heure d’une crise planétaire, tant économique que morale, dans nos quartiers, nos villes, nos entreprises, les « orphelins » et les « veuves » que notre société « fric et toc », rejette et à qui il nous faut d’urgence tendre la main…
Ils se trompent ceux qui voudraient trouver dans la bibliothèque de la foi chrétienne, parmi les livres de la rentrée, un fort mauvais bouquin qui pourrait s’intituler « L’Evangile sans peine » !

13.7.09

Méditation pour le Dimanche 26 juillet

17ème dimanche du temps ordinaire (B)

Quel est notre faim ?

Célèbre épisode que celui de la multiplication des pains ! Voici que Jésus, à quelques jours de sa passion, réalise un spectaculaire miracle : il nourrit près de 5.000 hommes à l’aide de cinq pains d’orge et de deux poissons ! Démonstration de force et de puissance du Fils de Dieu avant la déréliction de la croix ? Peut-être… Mais sans doute ne faut-il pas s’arrêter à la seule dimension « merveilleuse » de ce geste. Dans l’Evangile, les miracles de Jésus sont toujours d’abord des « paroles », un enseignement, un signe. Il s’agit, au travers d’un geste inhabituel, mystérieux, de révéler une vérité.
Sur les hauteurs du lac de Tibériade, Jésus ne nous demande pas de garder les yeux rivés sur les corbeilles débordantes de pains et de poissons : il nous invite d’abord à « voir » la faim de la foule ; une « faim » certes physique, biologique, mais sans doute d’abord « spirituelle », une faim de sens et d’espérance. Le véritable « miracle » réside peut-être essentiellement dans cette « faim » qui met la foule en marche à la suite du Christ…
Dans la version de Matthieu de ce même épisode, Jésus dit à ses disciples : « Donnez-leur vous-même à manger ». Voici qu’il les invite – ainsi que chacune et chacun d’entre nous aujourd’hui – à nourrir les foules en quête d’espérance. Voici qu’il nous invite à donner nous-même à manger aux autres, à nous faire « nous-même » nourriture pour les autres.
Il nous faut pour cela creuser notre propre faim spirituelle car, plus nous serons des « affamés » de Dieu, et plus nous serons « nourriture » pour le monde… « Le plaisir qu’on prend en Dieu est tel qu’on ne peut pas se rassasier de Lui. Plus on Le goûte, plus on communie à Lui, plus on en a faim… » disait Saint Macaire !

Méditation pour le Dimanche 12 juillet

15ème dimanche du temps ordinaire (B)
Trois consignes…


« L’évangélisation n’est pas une affaire individuelle, mais communautaire… »


Jésus vient de subir un échec, chez lui à Nazareth, où les gens de son village ne l’ont pas écouté. « Nul n’est prophète en son pays » ! C’est ce moment précis qu’il choisit pour envoyer ses disciples en mission. Pas de temps pour le découragement. Il faut aller de l’avant !
Pas si facile pour ceux qui, jusqu’à présent, ont suivi le « maître » et doivent désormais se lancer sans Lui… Comme le prophète Amos qui avoue n’être que « simple bouvier », ils n’en mènent pas large ! Ont-ils les compétences requises pour une telle mission ? Seront-ils à la hauteur ?
Question que nous nous posons, souvent, nous aussi.
Jésus donne trois consignes aux disciples.
D’abord, ne pas partir seul mais « deux par deux ». L’évangélisation n’est pas une affaire individuelle, mais communautaire. Dans l’Eglise, on ne « travaille » jamais pour son propre compte !
« Nous ne pouvons pas donner la foi, mais nous, nous pouvons nous donner ! », disait Madeleine Delbrel.
Deuxième recommandations : n’emporter que le strict nécessaire. Autrement dit, ne pas rester « attacher » par des préoccupations matérielles, des soucis de « carrière », des peurs face à l’avenir. L’évangélisation suppose d’être libre, tant vis à vis de soi-même que du « monde » !
« Seigneur, que je place ma joie en toi seul… », priait un chartreux.
Troisième instruction : ne par craindre l’indifférence, le refus, la hargne. La vérité de la Bonne nouvelle peut faire peur, attiser des résistances. L’évangélisation n’est pas une question de séduction ni de popularité !
« Il est effrayant de voir à quel point le catholicisme dérange peu la vie des hommes ! », écrivait Julien Green
Trois consignes toujours bien utiles aujourd’hui aux disciples timorés que nous sommes !

25.6.09

Quelle mission pour les prêtres ?

Lundi, fête de St Pierre et St Paul

La « Saint Pierre-Saint Paul » (que nous fêterons lundi prochain) est, traditionnellement dans l’Eglise, la fête des ordinations presbytérales. On sait que l’engagement dans ce ministère fondamental – au sens propre du terme, car il n’y a pas d’Eglise sans prêtre – se fait aujourd’hui plus timidement.
Si, à l’échelle de la planète, le nombre de prêtres est en augmentation (grâce à une croissance en Afrique et en Asie), il baisse en Europe (de près de 7%).
En France, il y avait en 2007, 20.277 prêtres (dont 15.300 "diocésains").
En 2008, 98 prêtres diocésains ont été ordonnés (contre 101 en 2007).
Pour l’année scolaire 2008-2009, on comptait 139 entrées en première année de séminaire diocésain.
On peut, devant ces chiffres, adopter deux attitudes : se lamenter ou se réjouir.
Se lamenter car les « entrées » ne permettront pas de palier les départs en retraite ;
se réjouir devant la générosité de ces hommes qui, dans un contexte délicat, ose ce beau pari.

Plus que jamais, une fraternelle collaboration prêtres-laïcs (on peut même préciser laîcs, prêtres et... diacres ! ) est requise. Il nous faut, à l’invitation du Pape, qui vient de lancer une « Année sacerdotale », soutenir nos pasteurs dans leur mission. Quelle mission ? « Animer la paroisse » disent 55% des catholiques pratiquants dans un sondage TNS Sofres pour La Croix, mais aussi « Aider et réconforter les plus déshérités » (38%). C’est dans cette tension entre la vie de la communauté et les urgences du monde que doivent se situer les prêtres. Et nous, avec eux. Pas si facile… Aidons-les !

3.6.09

Méditation pour le Dimanche 7 juin

Sainte Trinité

Dieu n'est pas solitaire !

La formule pourrait passer inaperçue, tant nous avons l’habitude de la répéter : « Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit ». Et pourtant, quel beau mystère ! Ce n’est que progressivement que les chrétiens ont évoqué, pour parler de Dieu, la « Sainte Trinité ». Cette formule ne se trouve d’ailleurs pas dans les Evangiles, elle n’apparaît qu’au IIIème siècle. Il s’agit alors de trouver « les mots pour Le dire », Lui, le Dieu d’amour en qui tout n’est que relation.
La belle et célèbre icône peinte par Roublev au début du 15ème siècle tente, elle aussi, de dire ce mystère. Les trois personnages représentés ne cessent de se regarder, dans un mouvement circulaire ininterrompu… Le « cœur » du Dieu unique est relation.
Autrement dit, « Dieu n’est pas solitaire ! » dit le Père Maurice Zundel, grande figure spirituelle du XXème siècle :

« La Trinité, cela veut dire que Dieu n’est pas quelqu’un qui se regarde et
tourne autour de soi, qui se gargarise de Lui-même, mais au contraire Quelqu’un
qui se donne (…) Dieu est une communion, une respiration d’amour… »


Notre tâche de croyant consiste donc à faire en sorte que cette « respiration » ne soit pas, en nous et par nous, étouffée. Croire, c’est laisser, par la grâce de l’Esprit qui habite en nous, le Père poser sur le Fils son regard d’infinie tendresse, ne pas faire écran à cet échange de regard…
Fêter aujourd’hui la Sainte Trinité, c’est, tout simplement, laisser résonner joyeusement en notre cœur cette promesse du Christ : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’ à la fin des temps… »

15.5.09

Panorama vous invite...

Chers Amis,

je vous donne chaleureusement rendez-vous le Samedi 4 juillet au Mont St Michel. PANORAMA organise ce jour-là un "pèlerinage des familles"! Sous la présidence amicale de Mgr Stanislas Lalanne, nous traverserons à pieds la célèbre baie. Puis nous célébrerons l'eucharistie avec les Fraternités monastiques de Jérusalem. L'après-midi, après un pique-nique "géant", nous pourrons écouter, au choix, trois grands témoin : le Père Jean-Marie Peticlerc, éducateur, Colette-Nys Mazure, écrivain et poète et Nadine Grandjean, conseillère conjugale.
Bon d'inscription et programme détaillé dans le dernier numéro de PANORAMA.
Ou renseignement par mail :

panorama@bayard-presse.com

Je vous espère nombreux, en couple, en famille, avec votre communauté chrétienne...

Fraternellement

3.5.09

Méditation pour le 4ème Dimanche de Pâques

A l'occasion du Dimanche de prière
pour les vocations...

C’est aujourd’hui la Journée mondiale de prière pour les vocations.
Il s’agit, Frères et Sœurs, de prier afin que le Seigneur envoie des ouvrier pour la moisson, et de « bons pasteurs » pour son peuple. Des prêtres, bien sûr, moins nombreux sur notre vieux continent. Mais – le mot vocation étant mis au pluriel – il s’agit aussi de soutenir les autres vocations : religieuses, monastiques, sans oublier que le mariage est lui aussi une vocation chrétienne !
Aujourd’hui, on m’a demandé de vous parler du diaconat permanent.

- Ministère qui a existé dans les tous premiers temps de l’Eglise… Les Actes des Apôtres évoquent l’imposition des mains à des hommes pour le service des tables et l’aide aux veuves… Et le premier martyre de l’Eglise, Etienne, qui fut lapidé parce qu’il prêchait et annonçait la Bonne nouvelle, était un diacre.

- Après avoir disparu pendant plusieurs siècles, ce ministère a été « restauré » par le Concile de Vatican II.

Je vais donc évoquer ce ministère pour lequel j’ai été ordonné il y aura tout juste 10 ans, en septembre prochain.

Je ne le fais pas sans une certaine réticence et même une certaine pudeur. Car d’autres pourraient être aujourd’hui à ce micro. Je pense à tant de belles figures du diaconat en France, à ces frères diacres qui osent, dans les banlieues de notre libéralisme échevelé, tendre la main aux laissés-pour-compte de notre société, je pense à ces frères diacres qui, dans les prisons, les hôpitaux, dans les centres de soins palliatifs, offrent un visage de compassion, je pense à ceux qui se battent, dans les entreprises, les syndicats pour que, dans la course au profit, l’homme, le salarié reste un homme debout…

Au travers de mon itinéraire personnel, je voudrais. vous dire, ce qu’est, à mes yeux, le diaconat, et en quoi sa restauration est prophétique !

La question du diaconat m’est « tombé dessus », il y a maintenant près de quinze ans. Je ne m’y attendais pas.

Et pour être tout à fait franc, je n’avais pas – à quelques rares exceptions près – une très bonne image des diacres. Mon métier de journaliste m’avait amené à côtoyer certains diacres chez qui je percevais une sorte de « retour de flamme », certes respectable, mais un peu ambigu.

A 20 ans, ils avaient songé devenir prêtres et, contraints par la loi du célibat, ils y avaient finalement renoncé pour se marier. Trente ou quarante ans plus tard, certains se mettaient à rêver de pouvoir enfin jouer les « vicaires ». Leur impatience à enfiler une aube et leur colère dans les coulisses de la sacristie lorsque le pauvre célébrant avait oublié de leur laisser dire « Allez dans la paix du Christ » me faisait tristement sourire !

En clair, je percevais, chez certains diacres, une dérive « cléricale » et un risque de confusion . Comme disait mon ami le théologien Bruno Chenu :
« Si le diaconat permanent a été restauré, ce n’est pas pour lancer un test
grandeur nature en vue de l’ordination presbytérale d’homme mariés ».

J’avais appris de mes aumôniers de lycée et des textes du Concile que le rôle des laïcs est de rester des laïcs, bien plantés en pleine pâte humaine…

Lorsqu’un ami, alors porte-parole de l’épiscopat français, m’a un soir demandé si, un jour, j’avais songé à la possibilité de devenir diacre, je me suis dit que l’adage avait du vrai : il faut toujours se méfier de ses amis !

Je partageais à l’époque mon temps professionnel entre le journal « La Croix » et « France 2 » où je travaillais notamment pour le « Jour du Seigneur » mais aussi pour le « Téléthon ». Mon métier m’amenait donc à rencontrer autant les croyants que les « non croyants ».

La question de mon ami est sans doute venue d’un mouvement d’humeur de ma part : je ne sais plus quel « très saint texte » ou « petite phrase » en provenance de Rome avait, une fois encore, suscité l’ironie grinçante des grands médias, mais j’étais, ce soir-là, doublement furieux : furieux que l’Eglise s’y prenne décidément si mal pour communiquer ; furieux que les médias déforment à ce point le message de l’Eglise.

Je n’ai pas volé la question de mon ami qui, en substance, m’a dit : « au lieu de râler, tu ne pourrais pas t’y coller un peu ? ».

J’étais abasourdi : le père de famille et le journaliste que j’étais ne s’imaginait pas une seconde dans la peau d’un futur diacre. Je n’avais jamais été enfant de chœur et je ne voyais aucune raison de le devenir à bientôt 40 ans !

Et puis je me suis dit que je ne pouvais pas rester sur mon « quant-à-soi journalistique », refuser de plonger dans la mêlée.
Depuis quinze ans, j’étais un observateur professionnel de l’Eglise, je ne pouvais pas ne pas accepter d’au moins réfléchir à la question qu’elle me posait.

Et je voudrais, de manière plus générale, dire combien, dans l’expérience française du diaconat, cette manière d’interpeller les gens est féconde. C’est une tout autre manière d’envisager la « vocation », qui me semble prometteuse : ne pas nécessairement attendre que Dieu passe son « coup de téléphone » ou envoie son « SMS » dans le secret d’un cœur, mais, au nom des besoins de la mission, oser interpeller, oser dire à quelqu’un : « tu es engagé dans un milieu professionnel, un environnement spécifique (quartier, associations…), tu as certaines compétences, accepterais-tu que l’Eglise t’envoie là où tu portes déjà une certaine fécondité, là où, par ton expérience, tu pourrais être témoin du Christ ? »

Je crois qu’il faut oser cette interpellation, et même l’intensifier. Et bien souvent, ceux qui interpellent constateront, après coup, qu’ils n’ont été que de modestes instruments dans les mains de Dieu qui, déjà, secrètement, préparait un cœur, à entendre cette question…


En ce qui me concerne, bien vite, dès les premières réunions de discernement auxquelles j’avais accepté de participer après avoir rencontré le responsable diocésain du diaconat ainsi que mon évêque (Jean-Charles Thomas, à l’époque), j’ai pu constater que je n’étais pas en train de rejoindre le club de « bedeaux en chef » !

Tous les hommes (mariés) qui étaient rassemblés au sein de ce petit groupe étaient vraiment engagés dans la « vraie vie », dans le monde médical, celui de l’entreprise, celui des combats sociaux. Bien vite, il m’a fallu reconnaître que l’image que j’avais des diacres était fausse.

J’ajoute – c’est un point important – que mon cheminement vers le diaconat s’est fait avec ma femme qui n’a pas manqué une réunion ! Beaucoup de diacres pourraient vous confirmer combien cette marche vers l’ordination et ce ministère peut être une grâce pour un couple, combien les deux sacrements se fécondent mutuellement (sans cependant se confondre car, bien entendu, ce n’est pas le couple qui est ordonné !).

Je voudrais aussi dire qu’on ne mesure peut-être pas encore la formidable nouveauté que constitue l’ouverture d’un ministère ordonné à des hommes mariés.


Voici qu’une mauvaise conception du « sacré » qui consiste à associer de manière exclusive ministère ordonné et célibat est heureusement battue en brèche, voici que l’homme des sacrements n’est pas moins « pur » parce qu’il est marié, voici qu’un membre à part entière du « clergé » ramène dans le sanctuaire, près de l’autel, les préoccupations, les joies, les blessures d’un mari, d’un père de famille, d’un travailleur…

Voici l’heureuse nouveauté d’un ministère complémentaire qui ne vient pas disqualifier le célibat, bien au contraire, mais qui vient dire, au cœur même de l’Eglise, que les expériences humaines sont multiples. En ouvrant le diaconat à des hommes mariés, l’Eglise a fait un pas anthropologique important, une grande ouverture symbolique.

En attendant l’étape suivante que je me risque à espérer devant vous : l’ordination de diaconesses dont on trouve trace dans la Bible et dont l’hypothèse n’a, à ma connaissance, pas été fermée par Rome. A mes yeux, rien ne s’y oppose doctrinalement et ce serait, pastoralement, une vraie chance pour l’Eglise.



Imaginez un instant que ce soit, non pas un homme, mais une femme qui vous parle aujourd’hui, qui vous partage sa manière de femme d’entendre la Parole de Dieu , sa manière de femme de s’approcher du Seigneur ! Quelle richesse ce serait !

Revenons à mon propre parcours. En réfléchissant avec d’autres, en marchant pas à pas vers ma propre ordination, j’ai compris que, en recréant le diaconat et en l’ouvrant à des hommes mariés, l’Eglise a ouvert une nouvelle porte sur le monde.

J’insiste sur ce point car pour moi il est essentiel : le diaconat est « pour l’Eglise » dans la mesure, et dans la mesure où, essentiellement, il est « pour le monde ».

La mission principale du diacre est, en effet, à mes yeux de rappeler qu’une Eglise « entre soi » n’est pas l’Eglise du Christ. Rappeler que construire l’Eglise, c’est d’abord et avant tout aider l’homme, quel qu’il soit, à se construire. Qu’il n’y a pas d’Eucharistie possible sans lavement des pieds, pas d’agenouillement devant l’autel sans agenouillement devant le frère.

Les diacres ne sont donc pas d’abord là pour suppléer la pénurie de prêtres, même si, bien sûr, ils peuvent et ils doivent apporter leur aide concrète à des pasteurs de plus en plus débordés.

Leur mission n’est pas d’abord d’être dans le « sanctuaire » mais sur le « seuil ». Car, comme le dit si bien Mgr Albert Rouet :

« La question urgente n’est pas tant de savoir où va l’Eglise, ou bien qui vient
encore dans nos Eglise, mais VERS QUI va l’Eglise » ?

Le Concile l’a d’ailleurs fort bien précisé : les diacres sont ordonnés « non en vue du sacerdoce, mais en vue du service ».

Ce n’est qu’après cet engagement au plus près du cri des hommes que le diacre pourra alors s’approcher de l’autel pour y faire retentir, dans une prière sur le monde, les appels des hommes et des femmes de ce temps, alors seulement qu’il pourra élever la coupe pour porter toutes les blessures de ce monde, pour laisser le Christ les endosser sur son épaule…

Je vais vous faire un aveu : souvent, je fais l’expérience que mon diaconat est mieux compris à l’extérieur qu’à l’intérieur de l’Eglise, que mon ministère est davantage perçu par celles et ceux qui sont loin de l’Eglise que par certains catholiques pratiquants qui ont parfois du mal à me ranger dans une case et à me coller une étiquette : « super-laïc ? sous-prêtre ? ».


Et ce constat, ne m’attriste pas, bien au contraire il me réjouit : le soir de mon ordination, un ami journaliste de la télévision qui avait tenu à être présent, m’a fait cette confidence : « je ne suis pas certain de croire en Dieu mais je suis heureux que l’Eglise te délègue auprès de nous. »

Depuis, par mon métier de journaliste, rédacteur en chef d’un mensuel chrétien, par la grâce de ma mission diaconale dans le monde des médias et les milieux artistiques, j’ai rencontré bon nombre d’hommes et de femmes qui, comme lui, se posent des questions souvent essentielles. Leur vies personnelles, affectives, familiales leur font parfois penser qu’ils n’ont peut-être pas le droit de franchir la porte des églises car ils ont le sentiment de ne pas être dans la norme et dans la bonne morale.

Collègues de la presse écrite avec qui une conversation intime s’engage à la suite d’un deuil…
Comédien célèbre touché par un méchant cancer qui m’interroge sur le Christ…
Présentatrice d’une émission phare de la télévision qui m’avoue son désir de lire la Bible…
Chanteur qui me demande des conseils pour entreprendre, incognito, le chemin de Compostelle…
Michel Serrault qui, à la fin d’un déjeuner chez lui, évoque avec émotion son désir de contemplation, de silence, ses haltes régulières dans un monastère…

Tant et tant d’anonymes aussi, qu’on dit parfois un peu vite « loin de l’Eglise », avec leur poids de vie et leur question si souvent spirituelles…

Depuis 10 ans les rencontres imprévues n’ont pas manquées !

Eh bien, Frères et Sœurs, le diaconat se joue justement là : l’Eglise n’attend pas que ces hommes et ces femmes viennent frapper à la porte de nos paroisses. Elle leur envoie, elle leur délègue des croyants qui ne sont en rien des « super-chrétiens » mais à qui elle impose les mains et leur donne la force de l’Esprit.

Etre diacre, voyez-vous, je crois que c’est être « bilingue », c’est accepter de parler la langue de la culture contemporaine et la langue de l’Eglise, c’est assumer l’inévitable risque qu’il y a à être un « passeur » entre des « planètes » qui ne se parlent pas beaucoup et qui, parfois même, se suspectent. L’actualité récente nous le confirme…

Le diacre doit vivre « aux frontières », compagnon de « ceux qui croient au ciel et de ceux qui n’y croient pas » !

Oui, le diacre est un « passeur » :

- au monde, il essaie de dire l’Eglise ;
- à l’Eglise, il tente de dire le monde.

Je vous laisse le soin de deviner laquelle de ces deux missions est la plus délicate !

Amen !

14.4.09

Attente de Pâques...

- Ah, Seigneur, pardonne mon retard, mais, franchement, je n’avais pas très envie de venir…

- Nous sommes Samedi saint, tout de même ! Des soucis ?

- Oh, pas pire que d’habitude ! Une question surtout.

- Urgente, ta question ?

- Comment dire ? Urgente et… « éternelle » à la fois !

- Vas-y, raconte.

- Euh, c’est que c’est difficile à dire… Surtout à toi, Seigneur !

- Parle en confiance : je saurai me taire.

- Justement, Seigneur, c’est là qu’est le problème !

- Explique.

- Eh bien, tu l’as dit, Seigneur : tu sais te taire ! Et, sauf ton respect, c’est peut être même ce que tu fais de mieux ! S’il y avait un Nobel du silence, tu décrocherais à coup sûr la palme !

- … ?

- C’est vrai, quoi, Seigneur ! Ton silence est parfois si… « assourdissant » que je me demande si tu m’écoutes vraiment.

- … ?

- Peut être même que, si tu te tais tant, c’est que tu n’es pas vraiment là !

- Douterais-tu de moi ?

- Disons que… je m’interroge. Toute cette fureur sur la planète, ces folies, ces guerres, ces haines, ces flots de larmes,… Et le cancer, et le sida, Seigneur ? Mais que fais-tu donc, là-haut, dans ton ciel ?

- Je vais te confier un secret…

- A moi ?!

- Oui. A vrai dire, je n’y habite pas tant que cela…

- Tu n’habites pas où, Seigneur ?

- Eh bien, au « ciel »…

- Quoi !!!

- Ne t’emballe pas : je vais t’expliquer. Le « ciel », c’est un joli mot que les artistes, les peintres, les poètes, et même les prêtres, utilisent pour essayer de décrire ce lieu mystérieux où je vis. Par respect, ils ont cherché l’adresse la plus… « haute » possible. C’est bien aimable de leur part et symboliquement plutôt bien vu. Mais cela ne veut pas dire que je suis dans les nuages !

- En gros, tu es en train de me dire que tu as déménagé !!!

- Disons qu’avec ma résurrection, les choses ont été un peu chamboulées : le ciel sur la terre et la terre au ciel... Si tu vois ce que je veux dire…

- Pas très bien…

- L’homme avait du mal à grimper me voir, alors je suis descendu à sa rencontre.

- Tu vois où cela t’a mené !

- Au Golgotha, je sais…Tiens, regarde mes mains, mes pieds et mon côté : tu vois, j’ai encore les cicatrices ! Tout « Ressuscité » que je suis, je n’arrive pas à les faire disparaître. Rien à faire ! Et sais-tu pourquoi ? Parce que ces blessures-là, ce sont celles de toute l’humanité. Je les porte chaque seconde de mon éternité comme j’ai porté cette maudite croix…

- Mais… pourquoi ne pas le dire, Seigneur ? Pourquoi un tel silence ?

- Qu’as-tu fais, hier après-midi ?

- Vendredi ? Je suis allé à l’hôpital. Des amis ont un fils qui s’est fait gravement renverser par une voiture…

- Tu sais, dans cette chambre d’hôpital, j’étais là, moi aussi !

- Toi Seigneur ! Mais où donc étais-tu ?

- Juste devant toi, sous les draps trempés de fièvre, dans ce lit d’hôpital, l’âme triste à en mourir mais le cœur chaviré d’espérance. Excuse-moi de ne pas t’avoir parlé… j’avais si mal ! Mais as-tu remarqué que j’ai essayé de te sourire ?

- Oh, Seigneur !

- Tu sais, ta visite m’a fait du bien…C’est bon de croire en l’homme…

31.3.09

Méditation pour le Dimanche des Rameaux

Combat spirituel


« En nous, la lutte entre la pesanteur et la grâce »

Curieuse et paradoxale célébration que celle des Rameaux qui commence dans les acclamations joyeuses : « Hosanna au plus haut des cieux ! » et qui se termine dans un appel au meurtre : « Crucifie-le ! ».

Et ne croyons pas qu’il y a, comme dans les mauvais westerns, les « bons » d’un côté qui acclament l’entrée de Jésus à Jérusalem et de l’autre côté les « méchants » qui réclament sa mort, en lieu et place de Barabbas. La foule, souvent, est versatile et le cœur de l’homme partagé. Ce sont sans doute, pour une part, les mêmes qui acclament joyeusement le Christ et qui, quelques heures plus tard, réclament sa mort. Il y a là, ne nous y trompons pas, une image, saisissante de réalité, du cœur de l’homme, de notre propre cœur.

Nous aussi, nous acclamons le Christ, nous chantons ses louanges à la messe, nous nous agenouillons devant Lui, mais nous sommes – nous le savons bien – aussi capables de le renier, de l’oublier, de lui cracher au visage lorsque ce visage prend la figure concrète de l’homme bafoué, humilié, rejeté, écrasé par les rouages aveugles de notre économie, par les trahisons de nos amours, par l’indifférence dont notre société chloroformée nous invite à enfiler l’étroit costume !

La Sainte Semaine qui s’ouvre devant nous est comme le résumé, l’icône dramatique de notre propre vie spirituelle. En nous, à chaque instant, se rejoue le combat entre la lumière et la nuit, entre la vie et la mort, la lutte entre « la pesanteur et la grâce ».

Nous voulons acclamer notre Sauveur mais nous laissons les clous abjects s’enfoncer dans sa chair, dans la chair de l’homme humilié, dans la chair de notre pauvre foi si peureuse.
Croire, c’est mener le combat spirituel contre les forces de la nuit, en nous et autour de nous.

« Je vais t’aider, mon Dieu, à ne pas t’éteindre en moi… » écrivait Etty Hillesum, jeune juive déportée à Auschwitz.

25.3.09

Et si on riait un peu ?

Après une "actualité romaine et papale" particulièrement chargée ces dernières semaines, je vous propose de rire un peu avec l'histoire suivante:


A son retour à Rome, par une belle après-midi ensoleillée, le Pape aurait confié à une journaliste : "Il fait beau aujourd'hui !"
Ces propos ont aussitôt soulevé dans le monde entier une immense émotion et alimentent une polémique qui ne cesse de grandir.

Quelques réactions :

Le maire de Bordeaux : "Alors même que le pape prononçait ces paroles, il pleuvait à verse sur Bordeaux ! Cette contre-vérité, proche du négationnisme, montre que le pape vit dans un état d'autisme total. Cela ruine définitivement, s'il en était encore besoin, le dogme de l'infaillibilité pontificale !"

Le Grand Rabbin de France : "Comment peut-on encore prétendre qu'il fait beau après la Shoah ?"

Le titulaire de la chaire d'astronomie au Collège de France : "En affirmant sans nuances et sans preuves objectives indiscutables qu"il fait beau aujourd'hui", le pape témoigne du mépris bien connu de l'Église pour la Science qui combat ses dogmes depuis toujours. Quoi de plus subjectif et de plus relatif que cette notion de "beau" ? Sur quelles expérimentations indiscutables s'appuie-t-elle ? Les météorologues et les spécialistes de la question n'ont pas réussi à se mettre d'accord à ce sujet lors du dernier Colloque International de Caracas. Et Benoît XVI, ex cathedra, voudrait trancher, avec quelle arrogance ! Verra-t-on bientôt s'allumer des bûchers pour tous ceux qui n'admettent pas sans réserve ce nouveau décret ?"

L'Association des Victimes du Réchauffement Planétaire : "Comment ne pas voir dans cette déclaration provocatrice une insulte pour toutes les victimes passées, présentes et à venir, des caprices du climat, inondations, tsunamis, sécheresse ? Cet acquiescement au "temps qu¹il fait" montre clairement la complicité de l'Église avec ces phénomènes destructeurs de l'humanité, il ne peut qu'encourager ceux qui participent au réchauffement de la planète, puisqu'ils pourront désormais se prévaloir de la caution du Vatican."

Le Conseil Représentatif des Associations Noires : "Le pape semble oublier que pendant qu'il fait soleil à Rome, toute une partie de la planète est plongée dans l'obscurité. C'est là un signe intolérable de mépris pour la moitié noire de l'humanité! "

L'Association féministe Les Louves : "Pourquoi "il" fait beau et pas "elle" ? Le pape, une fois de plus s'en prend à la légitime cause des femmes et montre son attachement aux principes les plus rétrogrades. En 2009, il en est encore là, c'est affligeant !"

La Ligue des Droits de l'Homme : "Ce type de déclaration ne peut que blesser profondément toutes les personnes qui portent sur la réalité un regard différent de celui du pape. Nous pensons en particuliers aux personnes hospitalisées, emprisonnées, dont l'horizon se limite à quatre murs ; et aussi à toutes les victimes de maladies rares qui ne peuvent percevoir par leurs sens l'état de la situation atmosphérique. Il y a là, sans conteste, une volonté de discrimination entre le "beau", tel qu'il devrait être perçu par tous, et ceux qui ressentent les choses autrement. Nous allons sans plus tarder attaquer le pape en justice."

A Rome, certains membres de la Curie ont bien tenté d'atténuer les propos du pape, prétextant son grand âge et le fait qu'il ait pu être mal compris, mais sans succès jusqu'à présent.

Ite missa est !


19.3.09

La citation du jour

"Au-delà des crachats des médias qui fustigent le fanatisme catholique, si
heureux de pouvoir dire: CQFD, on se prend à se demander avec nostalgie pourquoi
l'Eglise ne pourrait pas ressembler davantage au Christ qui fait toujours passer
l'esprit avant la loi..."


Chantal Delsol, philosophe
Le Figaro- 18 mars 2009

Humeur chagrine

Vous êtes, Madame, chagrinée par le mauvais temps qui s’abat actuellement sur cette Église dans laquelle vous êtes engagée depuis près de quarante ans. La lettre que vous m’adressez témoigne – sans hargne mais non sans une dose revigorante d’indignation – de votre inquiétude.
Il y a, bien sûr, cette étrange « affaire » de levée d’excommunication qui vous reste en travers de la gorge. Non pas que vous ne compreniez pas la volonté du Pape de réduire, comme on le fait d’une mauvaise fracture, le schisme aveuglément ouvert par Mgr Lefebvre. Ce qui vous choque, c’est cette manière bien solitaire de procéder sans réelle concertation des évêques, à rebrousse-poil du « peuple de Dieu » – expression dont vous vous demandez si elle a encore cours aujourd’hui.
Ce qui vous trouble – au-delà de l’écœurante profession de foi révisionniste de ce prélat schismatique – c’est le caractère bien peu repenti de certaines des brebis égarées à qui la porte est généreusement ouverte, mais qui donnent le désagréable sentiment de vouloir sabrer le champagne en coupant, du même mouvement, la tête de Vatican II !

Il y a aussi cette incompréhensible excommunication au Brésil, à propos de l'avortement pratiqué sur une enfant violée par son beau-père (voire ci-dessous) ; et puis encore (cela commence à faire beaucoup !) cette déclaration choquante du Pape sur le préservatif, à l'orée d'un voyage en Afrique, continent le plus touché par le sida...

Plus profondément, Madame, vous me confiez votre « fatigue » devant des « blocages », des « marche arrière » : un mauvais cléricalisme qui pointe le bout de son nez et semble vouloir remettre les laïcs « à leur place » ; le retour à une conception discutable du sacré et de la liturgie ; des rappels à l'orthodoxie morale qui claquent comme des portes qu'on referme sur le difficile "métier de vivre"; des responsabilités encore bien timides laissées aux femmes dans une institution ecclésiale au gouvernement trop masculin ; l’impasse dans laquelle on laisse les divorcés qui prétendent renaître à l’amour ; et cette peur lancinante du monde contemporain…

Puis-je vous dire, chère Madame, que je comprends votre fatigue et qu’il m’arrive de partager certaines de vos impatiences. L’Église a, ces temps-ci, mal à la modernité. Mais l’Évangile n’attend pas : il nous invite à l’audace et non au repli, à la compassion et non à la mise sur le banc de touche. Il nous invite surtout – plutôt qu’à ressasser nos « problèmes internes » – à aller « hors les murs », vers les hommes et les femmes qui, dans ces temps déboussolés, cherchent un peu de fraternité, de sens, une foi, une espérance…

J’ai perçu, dans votre lettre, Madame, comme une tentation : celle de claquer la porte, de partir sur la pointe des pieds, de « rendre votre tablier » de chrétienne engagée. S’il vous plaît, n’en faites rien !
L’Église a besoin de vous, de votre foi, de votre compétence, de votre « espérance à toute épreuve » ; de vos « coups de gueule » aussi !
La liberté de parole n’empêche pas la fidélité : cessons donc de confondre « communion » et « unanimité » ! S’ils étaient en communion de foi, les premiers chrétiens n’étaient pas toujours d’accord entre eux. Et cela n’est pas, que je sache, un péché !
Entre repli identitaire et ouverture naïve au monde, difficile est le sentier. L’Église cherche sa voie et n’a pas trop de tous ses membres – sincères et fidèles au phare du Concile – pour tracer la route. Quitte à ce que cela tangue parfois sous les voûtes.
Avant d’être une institution humaine qui, inévitablement, a ses limites, l’Église est, ne l’oublions pas, ce « corps » mystérieux par lequel Dieu prend visage en ce monde…
Difficile chemin que le nôtre : il nous faut croire au Christ Ressuscité, avec l’Église, parfois malgré l’Église, mais jamais sans l’Église !

15.3.09

La citation du jour

"Je marche vers Dieu à reculons, je tomberai en Lui à la renverse..."
Gustave Thibon

13.3.09

Méditation pour le 3ème Dimanche de Carême

Salutaire coup de balai !

Épisode ô combien célèbre que celui des « marchands du Temple » ! Voici que Jésus troque soudain sa divine douceur contre une sainte colère…
Facile de voir d’abord dans cette scène, une charge contre le « vilain » commerce. Pourtant, les marchands ne vendent pas de moches souvenirs en toc, genre saint en plastique avec fausse neige qui tombe ! Non, ils proposent aux pèlerins, venus souvent de loin, les animaux nécessaires au sacrifice ; et les changeurs permettent de laisser à la porte du Temple l’argent impur frappé à l’effigie de l’occupant romain. Ces commerçants ne sont donc que des serviteurs biens utiles aux célébrations juives.
Pourquoi donc alors ce « coup de sang » de Jésus ?
Sans doute veut-il, par ce geste spectaculaire, amener son auditoire à un changement de regard… Est-ce seulement dans un temple de pierre – aussi grandiose soit-il – que se tient la Présence ? Est-ce seulement dans les observances rituelles – aussi pieuses soient-elles – que l’on rencontre Dieu ?
Nos « pratiques religieuses » sont-elles réellement ouverture à la rencontre du Père, ou n’y font-elle pas parfois obstacle ? Combien de messes, combien de liturgies où nous ne faisons que nous prêter, par peur de nous donner ? Combien de fois ne prêtons-nous qu’une oreille distraite à l’Évangile que nous laissons s’affadir en nos vies ?
En usant du fouet sur l’esplanade du Temple, c’est, en fait, en notre cœur que le Christ donne un salutaire coup de balai. Devant l’encombrement de notre âme, il fait « place nette ». Car notre foi a régulièrement besoin de sortir de « la maison d’esclavage » de ses petites certitudes et petites habitudes. Il lui faut retrouver – et le Carême en offre une belle occasion – le grand vent décoiffant du désert, le grand souffle purificateur de l’exode.
Nos manières de croire ont toujours besoin d’être purifiée, et nos pratiques, converties !

Une excommunication de trop !

Au Brésil, une fillette de 9 ans, violée depuis l'âge de 6 ans par son beau-père, se trouve enceinte de jumeaux. Sa mère la conduit à l'hôpital pour des douleurs au ventre. L'équipe médicale découvre la grossesse et décide de procéder à un avortement, en raison d'un risque vitale pour la fillette.
L'archevêque de Récife au nom de "la loi de Dieu" déclare le 5 mars l'excommunication, rapidemment confirmée par un cardinal au Vatican. Le code de droit canon (article 1398) déclare que "qui procure un avortement, si l'effet s'en suit, encourt l'excommunication latae sententiae", autrement dit "automatique". Mais le droit de l'Eglise dit aussi (article 1324) que la peine prévue doit être "tempérée" pour qui a agit forcé par une "crainte grave" (...) ou bien (...) pour éviter un grave inconvénient. Le texte précise qu'alors, le "coupable" n'est pas frappé par la sanction.

Dans le cas de cette toute jeune fille, il semble assez clair que la "sanction" n'est pas applicable, que cette jeune fille est une victime, et pas une "criminelle".
En déclarant publiquement l'exommunication, l'archevêque a totalement manqué à son devoir de compassion, d'écoute de la douleur. L'effet de médiatisation qu'il a provoqué est moralement condamnable...
Ce faisant, il a donné une image détestable de l'Eglise (qui, depuis l'affaire de "levée d'excommunication" pour les intégristes, n'avait vraiment pas besoin de cela !)

Voici la salutaire réaction de Francis Deniau, évêque de Nevers, que je vous invite à méditer:

"Je dois dire à mon frère l'évêque de Recife - et au cardinal qui l'a soutenu - que je ne comprends pas leur intervention. Devant un tel drame, devant la blessure d'une enfant violée et incapable, même physiquement, de mener à terme une grossesse, il y avait autre chose à dire, et surtout des questions à se poser : comment accompagner, encourager, permettre de sortir de l'horreur, de retrouver sens et goût à la vie ? Comment aider la fille et la mère à se reconstruire ? Nous balbutions, surtout nous les hommes, et devons compter sur les femmes pour être là avec plus de présence que de paroles. Mais des paroles de condamnation, un rappel de la loi, aussi juste soit-elle : c'est ce qu'il ne faut pas faire.
(...) Je crois que l'Église catholique assume sa responsabilité sociale en insistant, à temps et à contre-temps, sur le respect de la vie humaine « depuis la conception jusqu'à la mort naturelle ». Nous manquerions à notre responsabilité en taisant cet appel, qui relève de la défense des plus petits et des plus faibles. Après, il s'agit d'accompagner chaque personne, dans des situations où je ne voudrais pas être, et où chacun essaie de faire au mieux de ce qu'il ou elle peut. Dieu nous appelle à des décisions qui peuvent être exigeantes, mais d'abord il nous enveloppe de sa tendresse, et il nous accueille dans les obscurités et les drames de la vie. J'attends des hommes d'Église, mes frères, qu'ils n'utilisent pas son nom pour condamner des personnes ou les enfermer dans la culpabilité."


Comment le message de l'Evangile peut-il être à ce point perverti ? On ne demande pas, évidemment, à l'Eglise de défendre l'avortement. Mais on attendait d'elle d'abord des paroles de compassion, une proximité, une main tendue.en direction de cette fillette déjà douloureusement blessée. "Faut-il punir les femmes pour la faute des hommes ?" s'interoge avec raison ma consoeur de La Croix, Dominique Quinio.

Inutile d'en rajouter : méditons ce passage de l'Evangile de Matthieu ( 23, 1-12) offert à notre méditation cette semaine:

"Ils lient de pesants fardeaux et en chargent les épaules des gens; mais
eux-mêmes ne veulent pas les remuer des doigts..."

7.3.09

Méditation pour le 2ème Dimanche de Carême

Commençons, Frères et Sœurs, par « tordre le cou » à une mauvaise interprétation de cette scène biblique dramatique dont notre première lecture fait le récit…

Moi, je vous le dis sans détours : je n’ai absolument, mais alors vraiment absolument aucun désir de croire en un Dieu qui, soi-disant, demanderait à un père de tuer son enfant !

Vis à vis de ce « Dieu pervers », j’opte résolument, et sans aucune hésitation, pour l’athéisme le plus borné !

Et j’espère bien que vous aussi !

Gare au contresens !

Évidemment, nous sommes tenté de ne retenir de ce passage de la Genèse, que cet ordre abjecte, prétendument formulé par Dieu :

« Prends ton fils, ton fils unique, celui que tu aimes,
(il insiste
lourdement, le bougre !), et tu l’offriras en sacrifice sur la montagne que
je t’indiquerai. »


Au risque d’oublier la seule phrase vraiment importante de ce célèbre récit qui a tant inspiré les peintres :
« Ne porte pas ta main sur l’enfant ! »

Que se passe-t-il dans cette histoire ?

Les sacrifices humains existaient sans doute encore à l’époque, chez certains peuples du bassin méditerranéen.
Il y avait cette croyance obscure qu’il est possible de calmer le courroux divin par un bain de sang…
Par contre, chez les juifs, le refus de tels sacrifices est une constante clairement affirmée par plusieurs prophètes…
Jérémie notamment, fait dire à Dieu :
« Cela, je ne l’ai jamais demandé et je n’ai jamais eu l’idée de faire
commettre de telles horreurs. »

Le récit de ce que nous appelons improprement « le sacrifice d’Isaac » est donc, non pas un appel au meurtre, mais au contraire, une condamnation absolue des sacrifices humains…

Mais, malgré ces mises en garde, la tentation peut resurgir.

Dans des situations de détresse peut s’insinuer la vilaine croyance qu’on pourra s’attirer les bonnes grâces du Dieu tout puissant en lui offrant la vie de ce qu’on a le plus cher. En sacrifiant son bonheur !

On « achète » en quelque sorte une meilleur relation à Dieu au prix du sang versé…

On pourrait dire que, dans cette sombre histoire, Abraham entend successivement 2 voix qu’il attribue à Dieu :

- la première - qui lui réclame la vie d’Isaac - Abraham commence par croire sincèrement qu’elle vient réellement de Dieu. Mais il se trompe !
Cet ordre épouvantable ne surgit que des profondeurs les plus obscures, les plus rustres, les plus violentes de l’âme humaine…

- la seconde voix, elle, est véritablement « parole de Dieu », parce que « parole de vie » :
« Ne fais aucun mal à l’enfant »…

Il faudra un bon moment, peut-être le temps de cette marche purificatrice vers la montagne, pour que le cœur d’Abraham s’ouvre peu à peu et passe d’une mauvaise conception du désir de Dieu à une compréhension purifiée de ce désir…

Voici, Frères et Sœur, une indication précieuse pour notre Carême :

Tout d’abord, notons que le sacrifice qui plaît à Dieu n’a rien à voir avec la souffrance et la mort…

Dieu ne nous demande jamais de sacrifier notre bonheur !
Bien au contraire, Dieu veut notre bonheur.

« La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant ! »
disait Saint Irénée…

Ainsi, le Carême n’est pas un temps pour se faire du mal, mais du bien !
Non pas un temps de tristesse, mais de joie !
Saint Benoît, qui n’avait rien contre les vertus du jeûne, mettait en garde ses moines : l’important, pendant le Carême, ce n’est pas tant ce qu’on a, ou ce qu’on n’a pas, dans son assiettes !
L’important c’est de savoir si la manière dont nous pratiquons le Carême va nous mener à « la joie du désir spirituel», disait St Benoît

Ainsi, Frères et Soeurs, le Carême est, non pas un temps d’affliction mais une marche vers une joyeuse libération.
Et il nous faut effectivement commencer par nous libérer des mauvaises images que nous avons de Dieu.
Car trop souvent, nous lui faisons porter un « chapeau » qui n’est pas le sien !
Souvent notre conception de Dieu est « trop étroite », comme on dit d’un costume trop petit, qui gêne aux entournures, et que nous voudrions Le voir revêtir…

Comme Abraham, nous commençons par attribuer à Dieu des désirs qui ne sont pas les siens, nous le coiffons d’images qui ne lui ressemblent pas, nous lui faisons même parfois dire n’importe quoi !

Combien de « guerres saintes », combien d’anathèmes, combien de rejet de l’autre n’a-t-on pas formulé, au cours de l’histoire, « au nom de Dieu » ?
L’actualité nous montre malheureusement que c’est encore le cas aujourd’hui…

Dieu nous a fait à son image et nous lui rendons tristement la pareille !


Alors, Frères et Sœurs, peut-être que l’une des tâches, l’un des labeur de ce Carême, consiste pour nous à essayer de « casser les idoles »,
toutes ces fausses images de Dieu qui nous arrangent bien,
qui nous préservent de tout changement,
qui confortent notre confort, notre pouvoir,
notre conception étriquée de la morale
et de l’ordre sociales auquel nous appartenons…

La Bible, c’est l’histoire d’une lente et progressive purification de l’idée que l’homme se fait de Dieu :

l’obscure Dieu vengeur cède progressivement la place au Dieu de tendresse de Jésus Christ, « lent à la colère et plein d’amour», nous dit un psaume…

Cette purification, nous avons, nous aussi à la mener dans notre vie…

Sur le mont de la Transfiguration, les disciples « voient » le Christ tel qu’il est. Mais cette « vision », au lieu de les mettre en route, les « scotchent » sur place.

Ils n’ont pas compris : ils veulent « planter trois tentes », autrement dit rester sur place, faire du sur place, s’immobiliser, faire ce qu’on appelle en télévision un « arrêt sur image ».

Mais Dieu ne reste jamais bien longtemps dans les images et les conceptions dans lesquelles nous prétendons le retenir, il est déjà « ailleurs ».

Pour le suivre, il faut « se bouger » ( !), sortir de ses certitudes, vivre la foi chrétienne, non pas comme une « installation » mais comme une dés installation.

La foi nous veut « nomade », en exode, toujours en marche vers un visage de Dieu qui, comme à l’auberge d’Emmaüs, s’efface, à l’instant même où il se dévoile…


Le philosophe Gustave Thibon disait :

« Il faut courir après Dieu, de ruine en ruine, à travers les éboulements
successifs des images et des idées que nous nous faisons de Lui ».

Amen !

2.3.09

Carême: Lève-toi et mange !

Dans un épisode célèbre, la Bible (au 1er livre des Rois, chapitre 19) nous donne d’assister à cette scène émouvante : blotti et recroquevillé sous un genêt isolé, le prophète Elie n’en peut plus et sombre dans la dépression. Il n’est pas bien fier de sa vie. Lucide, il est conscient de ses limites, de ses infidélités, de ses égarements…« Je ne vaux pas mieux que mes pères ! » Alors, il fuit au désert où il voudrait bien entrer dans la grand sommeil du « dès-être », se défaire de lui-même, cesser d’être lui.

Elie se fuit mais, où qu’il aille, Elie s’emporte avec lui ! Impossible, en effet, de se fausser compagnie à soi-même ! D’où la colère d’Elie : il « s’emporte » contre lui parce qu’il ne peut pas faire autrement que de « s’emporter » avec lui !

Le sentiment qu’éprouve le prophète, nous est bien connu. Qui d’entre nous n’est pas parfois gagné par la fatigue d’être soi ? Comme si, tout à coup, notre cœur sonnait le creux, comme si notre âme n’habitait plus à l’adresse indiquée ! Temps de désert rugueux, aride… Temps d’émondage…

Elie, sous son arbre chétif, pourrait se laisser aller à rester à terre, à raz de sol, le nez et le cœur dans les poussières de sa vie passée, écrasé par son mal-être et rongé par la culpabilité. Mais ce serait compter sans la petite flammèche qui vacille encore en lui. Voici que l’ange, l’envoyé de l’Eternel, lui murmure à l’oreille : « Lève-toi et mange… »
Elie n’a plus faim de rien, Elie, au désert, n’a plus de désir, mais demeure, tout de même, dans un replis de son âme, une petite lueur de confiance. Alors, Elie écoute la voix de l’ange et mange la galette mystérieusement déposée à son chevet. Mais… se recouche !
Elie n’a pas compris, il n’est pas encore « éveillé » ! Alors l’ange revient à la charge : « Lève-toi et mange, car autrement, le chemin serait trop long pour toi… »
Précieuse injonction de l’envoyé !

Ainsi donc, toute vie spirituelle inévitablement confrontée un jour ou l’autre au « désert », au « non désir » passe par une décision : « Lève-toi ! » Autrement dit, quelle qu’ait été jusqu’à présent ton existence, quelles que soient tes blessures, décide-toi à vivre ! Malgré tout ! Jésus dira au paralytique : « Prend ton grabat ! » Autrement dit, ose prendre à pleine main la mauvaise civière où gîssent tes faiblesses, tes fragilités, tes blessures. Ose porter le poids de ta vie, ose te supporter, ose surtout te laisser porter par un Autre...
Oui, « Lève-toi », profite de ce temps béni du carême pour te relever, car ce n’est que lorsque tu auras décidé toi-même de te mettre debout, en marche, en chemin, en « itinérance », en exode fécond, que l’Eternel pourra venir pétrir la pauvre farine de ta vie pour en faire le pain savoureux de ta résurrection.

« Lève-toi » car le voici Celui qui vient, sur tes sommeils, ouvrir les volets du matin de Pâques.
« Lève-toi » car le voici Celui qui vient raviver la faim d’avoir faim et la soif d’avoir soif.
« Lève-toi » car le voici Celui qui, au travers du « bruissement d’un souffle ténu », vient te murmurer à l’oreille du coeur : « Tu as du prix à mes yeux… »Oui, « Lève-toi, et mange » car le voici le Maître du désir qui fera pour toi « toutes choses nouvelles !»

29.1.09

Troublé, choqué...

L'affaire de la levée de l'excommunication des 4 évêques schismatiques intégristes suscite une profonde vague d'indignation dans l 'Eglise catholique. Elle heurte aussi bon nombre d'observateurs de l'Eglise, d'hommes et de femmes de toutes convictions, valeurs... Elle blesse nos aînés dans la foi que sont nos amis juifs...

Je suis choqué, troublé.

D'abord en tant que journaliste: comment une grande institution mondiale comme l'Eglise catholique peut-elle annoncer cette levée de l'excommunication deux jours après que l'un des 4 évêques ait proféré sur une chaîne de télévision des propos révisionnistes abjectes, niant clairement l'extermination des juifs dans les chambres à gaz nazies ? L'information était connue, la vidéo circulait sur internet. Et le Vatican à continué sa route comme si de rien n'était, comme si Rome n'avait pas accès au médias... Un tel dysfontionnement dans les services de communication et d'information de l'Eglise est difficilement croyable en 2009, choquant, troublant, donnant l'image d'un univers romain refermé dans une bulle, littéralement coupé du monde... Et cela, même si (il ne faut pas être dupe), les propos écoeurants de Richard Williamson, sont sans doute le fruit d'un "calcul" : faire exploser, au moment même où l'information romaine sort, une "bombe médiatique" pour casser dans l'oeuf toute vélleité de rapprochement... et d'éventuelle réconciliation.

Je suis également choqué en tant que diacre, solidaire du clergé auquel mon ordination me fait appartenir. On ne peut pas reprocher au Pape, ministre suprême de l'unité, de tout faire pour refaire l'unité. Ceux qui osent laisser entendre que Benoît XVI pourrait, d'une quelconque manière, être en accord avec les thèses révisionnistes, se moquent tout simplement du monde ! On peut ne pas être d'accord avec tout ce que dit le Pape actuel, mais le faire passer pour un allier des officines révisionistes est tout aussi écoeurant. Le Pape cherche la réconciliation, qui pourrait lui reprocher ce projet ? Le problème, c'est que pour se réconcilier, il faut être deux ! On a beaucoup évoqué l'évangile dit du "Fils prodigue". Mais relisons cette parabole: le fils fautif revient vers son père et commence par lui demander pardon. Il se sent indigne. Avons-nous entendu un repentir sincère dans la bouches des responsables intégristes ? Ont-ils fait un geste pour reconnaître le Concile, tout le Concile ?
Il semble qu'en ce domaine, leur route soit encore longue: la formule alambiquée de Mgr Fellay consistant à dire "Nous acceptons et faisons nôtres tous les conciles jusqu'à Vatican II, au sujet duquel nous émettons des réserves" est loin d'être claire... Ne faisons pas injure à l'espérance mais restons lucide : si une part des "fidèles" intégrisants est prête à revenir dans le giron de l'Eglise après avoir reconnu ses erreurs, une autre part reste campée dans une conception totalement éloignée de l'esprit et de la lettre de Vatican II: à longueur d'homélies, ce Concile est présenté comme la cause de tous les maux, le travail oecuménique rejeté, le décret sur la liberté religieuse vilipendé... L'affaire ne porte pas, loin s'en faut, sur les seules questions liturgiques. Le "divorce" est, depuis des années, bien plus fondamental et lourd.

Rome veut ouvrir la porte à des brebis égarées dont une part - y compris des évêques et des prêtres - refuse toujours de faire amende honorable; certains ayant même carrément tendance depuis quelques jours à savourer, sans retenue, une forme de "victoire".
Rome ouvre cette porte sans faire grand cas de la collégialité (une fois encore, les évêques ont été mis devant le fait accomplis, sans aucune forme de concertation... et nombre d'entre eux, en France notamment, sont choqués par la méthode, qui, sur ce dossier, à une fâcheuse tendance à devenir habituelle !)

Prenons garde que cette porte ouverte, d'autres chrétiens, fidèles au Concile, engagés corps et âmes dans l'Eglise depuis de longues années, généreux et donnés, ne se la prennent en pleine figure !

Je songe à des laïcs, hommes et femmes, à des amis religieux ou religieuses, à des théologiens, des moralistes... Je songe aussi à quantité de prêtres et de diacres qui ont tout donné de leur vie pour cette Eglise conciliaire, résolument ouverte au dialogue avec le monde moderne. Car on n'évangélise pas une société et un monde que l'on déteste ! Et on se trompe lorsque l''on érige -non sans arrières-pensées politiques - le christianisme en simple"contre-culture"...

Cette "ouverture" aux intégristes (ne parlons pas encore de "réintégration" car, effectivement, ce n'est pas encore le cas) , pourrait, sans mise au point urgente sonner dans le coeur de beaucoup comme une forme de désavoeu.
Le Pape, devant la tempête médiatique qu'a déclenché sa décision solitaire, a dénoncé clairement et sans ambiguïté toute collusion avec le négationisme.
Mais l'Eglise catholique doit encore faire bien davantage pour ne pas donner le sentiment de ne pas écouter le Peuple de Dieu dont la réaction doit être entendue. Pour ne pas donner le sentiment que certains peuvent être écoutés et entendus, alors que d'autres continuent d'être rejetés...
Oui à la réconciliation, mais pas au prix - exorbitant - de l'éclatement de la communion...
Oui, à la "porte ouverte" mais pas pour laisser sortir du même mouvement tant de "bons et fidèles serviteurs" troublés et choqués..

Il y a d'autre portes à ouvrir dans l'Eglise, urgentes : celle d'un véritable dialogue oecuménique, celle de la place des femmes dans les lieux de décision, celle relative à l'immense souffrance des divorcés...

Le diacre journaliste (ou le journaliste diacre !) que je suis a aujourd'hui mal à son Eglise. La communion et la fidélité n'empêche pas le débat face à une décision plus que troublante...

21.1.09

La citation du jour...

J'ai enlevé beaucoup de choses de ma vie et Dieu s'est rapproché pour voir
ce qui se passait...

Christian Bobin

Méditation sur le 2ème dimanche du temps ordinaire (B)

« Que cherches-tu ? »

La première parole prononcée par le Christ dans l’évangile de Jean est une question : « Que cherchez-vous ? » Cette interrogation, Jésus nous la formule encore aujourd’hui : « Que cherches-tu ? » Autrement dit, « quel sens souhaites-tu donner à ta vie ? » Comme les disciples, nous avons le brûlant désir de découvrir où « habite » Jésus, à quelle « adresse » nous pouvons rencontrer le Seigneur, comment trouver Dieu dans nos vies ?
Les lectures de ce dimanche nous donnent quelques indications précieuses pour notre quête spirituelle.
Il y a d’abord le jeune Samuel qui dors dans le Temple dont il sert habituellement le prêtre. Son « sommeil » est un peu celui de tout croyant engourdis par les pesanteurs de la vie quotidienne. Ce n’est pas un hasard si c’est « de nuit » que Dieu vient lui parler, comme pour signifier – première indication – que celui qui souhaite suivre le Seigneur doit se « réveiller », se « lever », sortir de sa torpeur. Le récit nous montre ensuite qu’il faut à Samuel l’aide du prêtre pour découvrir « qui » lui parle mystérieusement ainsi. Dans toute vie spirituelle, nous avons besoin –seconde indication – d’être accompagné, guidé par un aîné dans la foi.
L’évangile nous donne une troisième indication : Jésus ne dit pas « viens et vois » mais « venez et voyez ». Il précise ainsi que la marche vers sa « demeure » est une aventure communautaire. C’est avec l’Eglise que nous marchons vers le Christ. Un Christ – autre indication – dont « l’adresse » n’est pas lointaine, mais toute proche, car, comme nous le rappelle Paul : Nous sommes « le Temple de l’Esprit ». « Où cours-tu donc, le ciel est en toi ! » écrivait Silésius, un grand mystique du XVIIème siècle…

5.1.09

Tenter d'y voir clair...

« Qu’est-ce donc qu’un idéal ? »

Souvent, la fin de l’année nous prend par surprise : 2009 ? Fichtre ! Déjà ?
Et cet étrange sentiment que 2008 nous a littéralement filé entre les doigts !
Toutes et tous, nous vivons avec cette conscience vive d’être inexorablement embarqués sur le grand fleuve du temps. « Nous sommes, un court instant, plongés dans le temps et déjà s’annonce la fin… Quel mystère ! Le temps est la grande énigme de notre existence », m'a confié Jean d’Ormesson lors d'une conversation chaleureuse chez lui, avant Noël.
Paradoxalement, pour calmer un peu la fougue du « cheval-temps » qui piaffe de nous mener, à bride à battue, vers le rebord de notre histoire, il n’est pas inutile de nous retourner – un peu, un peu seulement, car la nostalgie est souvent mauvaise compagne ! – sur le temps écoulé, révolu, ce temps passé dont nous sommes tissés, ce temps d’hier et d’avant hier qui nous a fait ce que nous sommes, et qui nous fera – pour une part – ce que nous deviendrons…
Nous sommes, en effet, le fruit de notre propre histoire. Notre identité s’est forgé, nourrie de ce que nous avons vécu… Nos joies et nos larmes d’hier, nos combats et nos échecs, nos amours et nos désamours, nos bonheurs et nos blessures, les milles et unes rencontres de notre histoire sont la sève qui a fait de nous les arbres que nous sommes dans la haute futaie du temps…
Faire mémoire – en cette période de fin (ou de début !) d’année - du parcours accompli, non pas pour l’ensevelir sous les regrets, mais pour simplement accueillir ce passé tel qu’il est. Lui donner le pardon qu’il attend, panser ses blessures, recoudre ce qu’il y a à recoudre dans la rugueuse toile des jours, lui dire aussi notre reconnaissance pour y puiser les forces de l’avenir.
Faire mémoire de cette année que nous avons tenté de vivre, plus ou moins fidèles à ce qu’on appelait autrefois – mais pourquoi donc ce mot a-t-il été gommé de notre vocabulaire ! – un « idéal ».
Qu’est-ce donc qu’un « idéal » ? Une petite lueur, comme une étoile, qui, toutes affaires cessante, nous pousse, comme les trois « voyageurs » de l’Evangile, à sortir de nous-même, à prendre nuitamment la route dans les obscurités de nos vies, pour aller tenter d’y voir clair.
Oui, « tenter d’y voir clair », en nous, en cette vie, en ce monde.
Tenter d’y voir clair dans l’insondable et bienheureux mystère de se savoir vivant.
Tenter d’y voir clair dans cette vie d’homme ou de femme que nous avons à vivre, contre vents et chagrins.
Tenter d’y voir clair pour offrir un peu de clarté à tant de pénombres en ce monde.
Tenter d’y voir clair ? C’est tout le bonheur que je vous souhaite, amis lecteurs, pour 2009 !
Ensemble, essayons de faire de chaque jour, chaque semaine, chaque mois, de cette nouvelle année, un sentier de clarté. En nous et autour de nous…
Osons cette mise en route, cette « sortie de soi » qui, un soir peut-être, sur le bord du chemin, nous fera nous agenouiller enfin, fourbus mais heureux, devant la divine clarté, mystérieuse épiphanie de l’éternité dans la fugacité du temps…

Epiphanie....

Saisissant agenouillement…

Malgré sa puissance, Hérode s’inquiète : lorsque les mages venus d’Orient – sans doutes de Babylone ou de Perse – atteignent Jérusalem, ils cherchent le « roi des juifs qui vient de naître ». Hérode sait que les juifs attendent toujours un « roi » selon leur cœur et leur foi, non pas un puissant qui (comme lui) ne pense qu’à s’enrichir et à « collaborer » avec l’occupant romain, mais un chef désintéressé qui, au nom du Très Haut, instaurera le bonheur et la paix. La vieille promesse révélée par le prophète Natan au jeune roi David vers l’an 1.000 avant J.C. est dans toute les mémoires : la dynastie de David régnera sur Jérusalem à tout jamais. Or, Hérode n’est pas un descendant de David, il n’est même pas né à Bethléem. Il craint donc la rumeur selon laquelle un enfant, lointain descendant de David, vient de voir le jour à Bethléem ; et déjà, il fomente le projet de l’éliminer.
Dès le premier souffle de Jésus, les forces du mal sont à l’œuvre. Parmi les trois cadeaux offerts par les astrologues, la myrrhe annonce déjà la Passion : cette résine aromatique, fournie par le balsamier, servait en effet à … embaumer les morts ! Dans cette scène saisissante de l’agenouillement des mages devant l’enfant, la symbolique se met en place : en offrant l’or, ces voyageurs « païens » vénèrent la royauté ; en faisant brûler l’encens qui monte vers le ciel, ils s’inclinent devant la divinité ; et en présentant la myrrhe, ils annoncent déjà que cette divine royauté sera bafouée, transpercée, crucifiée par la folie des hommes…
Ce combat entre la nuit et la lumière, se rejoue à chaque instant en nous : laisserons-nous naître et respirer en notre coeur l’enfant de la promesse, ou bien aurons-nous peur pour notre « royaume », notre puissance, notre confort ?