29.1.09

Troublé, choqué...

L'affaire de la levée de l'excommunication des 4 évêques schismatiques intégristes suscite une profonde vague d'indignation dans l 'Eglise catholique. Elle heurte aussi bon nombre d'observateurs de l'Eglise, d'hommes et de femmes de toutes convictions, valeurs... Elle blesse nos aînés dans la foi que sont nos amis juifs...

Je suis choqué, troublé.

D'abord en tant que journaliste: comment une grande institution mondiale comme l'Eglise catholique peut-elle annoncer cette levée de l'excommunication deux jours après que l'un des 4 évêques ait proféré sur une chaîne de télévision des propos révisionnistes abjectes, niant clairement l'extermination des juifs dans les chambres à gaz nazies ? L'information était connue, la vidéo circulait sur internet. Et le Vatican à continué sa route comme si de rien n'était, comme si Rome n'avait pas accès au médias... Un tel dysfontionnement dans les services de communication et d'information de l'Eglise est difficilement croyable en 2009, choquant, troublant, donnant l'image d'un univers romain refermé dans une bulle, littéralement coupé du monde... Et cela, même si (il ne faut pas être dupe), les propos écoeurants de Richard Williamson, sont sans doute le fruit d'un "calcul" : faire exploser, au moment même où l'information romaine sort, une "bombe médiatique" pour casser dans l'oeuf toute vélleité de rapprochement... et d'éventuelle réconciliation.

Je suis également choqué en tant que diacre, solidaire du clergé auquel mon ordination me fait appartenir. On ne peut pas reprocher au Pape, ministre suprême de l'unité, de tout faire pour refaire l'unité. Ceux qui osent laisser entendre que Benoît XVI pourrait, d'une quelconque manière, être en accord avec les thèses révisionnistes, se moquent tout simplement du monde ! On peut ne pas être d'accord avec tout ce que dit le Pape actuel, mais le faire passer pour un allier des officines révisionistes est tout aussi écoeurant. Le Pape cherche la réconciliation, qui pourrait lui reprocher ce projet ? Le problème, c'est que pour se réconcilier, il faut être deux ! On a beaucoup évoqué l'évangile dit du "Fils prodigue". Mais relisons cette parabole: le fils fautif revient vers son père et commence par lui demander pardon. Il se sent indigne. Avons-nous entendu un repentir sincère dans la bouches des responsables intégristes ? Ont-ils fait un geste pour reconnaître le Concile, tout le Concile ?
Il semble qu'en ce domaine, leur route soit encore longue: la formule alambiquée de Mgr Fellay consistant à dire "Nous acceptons et faisons nôtres tous les conciles jusqu'à Vatican II, au sujet duquel nous émettons des réserves" est loin d'être claire... Ne faisons pas injure à l'espérance mais restons lucide : si une part des "fidèles" intégrisants est prête à revenir dans le giron de l'Eglise après avoir reconnu ses erreurs, une autre part reste campée dans une conception totalement éloignée de l'esprit et de la lettre de Vatican II: à longueur d'homélies, ce Concile est présenté comme la cause de tous les maux, le travail oecuménique rejeté, le décret sur la liberté religieuse vilipendé... L'affaire ne porte pas, loin s'en faut, sur les seules questions liturgiques. Le "divorce" est, depuis des années, bien plus fondamental et lourd.

Rome veut ouvrir la porte à des brebis égarées dont une part - y compris des évêques et des prêtres - refuse toujours de faire amende honorable; certains ayant même carrément tendance depuis quelques jours à savourer, sans retenue, une forme de "victoire".
Rome ouvre cette porte sans faire grand cas de la collégialité (une fois encore, les évêques ont été mis devant le fait accomplis, sans aucune forme de concertation... et nombre d'entre eux, en France notamment, sont choqués par la méthode, qui, sur ce dossier, à une fâcheuse tendance à devenir habituelle !)

Prenons garde que cette porte ouverte, d'autres chrétiens, fidèles au Concile, engagés corps et âmes dans l'Eglise depuis de longues années, généreux et donnés, ne se la prennent en pleine figure !

Je songe à des laïcs, hommes et femmes, à des amis religieux ou religieuses, à des théologiens, des moralistes... Je songe aussi à quantité de prêtres et de diacres qui ont tout donné de leur vie pour cette Eglise conciliaire, résolument ouverte au dialogue avec le monde moderne. Car on n'évangélise pas une société et un monde que l'on déteste ! Et on se trompe lorsque l''on érige -non sans arrières-pensées politiques - le christianisme en simple"contre-culture"...

Cette "ouverture" aux intégristes (ne parlons pas encore de "réintégration" car, effectivement, ce n'est pas encore le cas) , pourrait, sans mise au point urgente sonner dans le coeur de beaucoup comme une forme de désavoeu.
Le Pape, devant la tempête médiatique qu'a déclenché sa décision solitaire, a dénoncé clairement et sans ambiguïté toute collusion avec le négationisme.
Mais l'Eglise catholique doit encore faire bien davantage pour ne pas donner le sentiment de ne pas écouter le Peuple de Dieu dont la réaction doit être entendue. Pour ne pas donner le sentiment que certains peuvent être écoutés et entendus, alors que d'autres continuent d'être rejetés...
Oui à la réconciliation, mais pas au prix - exorbitant - de l'éclatement de la communion...
Oui, à la "porte ouverte" mais pas pour laisser sortir du même mouvement tant de "bons et fidèles serviteurs" troublés et choqués..

Il y a d'autre portes à ouvrir dans l'Eglise, urgentes : celle d'un véritable dialogue oecuménique, celle de la place des femmes dans les lieux de décision, celle relative à l'immense souffrance des divorcés...

Le diacre journaliste (ou le journaliste diacre !) que je suis a aujourd'hui mal à son Eglise. La communion et la fidélité n'empêche pas le débat face à une décision plus que troublante...

21.1.09

La citation du jour...

J'ai enlevé beaucoup de choses de ma vie et Dieu s'est rapproché pour voir
ce qui se passait...

Christian Bobin

Méditation sur le 2ème dimanche du temps ordinaire (B)

« Que cherches-tu ? »

La première parole prononcée par le Christ dans l’évangile de Jean est une question : « Que cherchez-vous ? » Cette interrogation, Jésus nous la formule encore aujourd’hui : « Que cherches-tu ? » Autrement dit, « quel sens souhaites-tu donner à ta vie ? » Comme les disciples, nous avons le brûlant désir de découvrir où « habite » Jésus, à quelle « adresse » nous pouvons rencontrer le Seigneur, comment trouver Dieu dans nos vies ?
Les lectures de ce dimanche nous donnent quelques indications précieuses pour notre quête spirituelle.
Il y a d’abord le jeune Samuel qui dors dans le Temple dont il sert habituellement le prêtre. Son « sommeil » est un peu celui de tout croyant engourdis par les pesanteurs de la vie quotidienne. Ce n’est pas un hasard si c’est « de nuit » que Dieu vient lui parler, comme pour signifier – première indication – que celui qui souhaite suivre le Seigneur doit se « réveiller », se « lever », sortir de sa torpeur. Le récit nous montre ensuite qu’il faut à Samuel l’aide du prêtre pour découvrir « qui » lui parle mystérieusement ainsi. Dans toute vie spirituelle, nous avons besoin –seconde indication – d’être accompagné, guidé par un aîné dans la foi.
L’évangile nous donne une troisième indication : Jésus ne dit pas « viens et vois » mais « venez et voyez ». Il précise ainsi que la marche vers sa « demeure » est une aventure communautaire. C’est avec l’Eglise que nous marchons vers le Christ. Un Christ – autre indication – dont « l’adresse » n’est pas lointaine, mais toute proche, car, comme nous le rappelle Paul : Nous sommes « le Temple de l’Esprit ». « Où cours-tu donc, le ciel est en toi ! » écrivait Silésius, un grand mystique du XVIIème siècle…

5.1.09

Tenter d'y voir clair...

« Qu’est-ce donc qu’un idéal ? »

Souvent, la fin de l’année nous prend par surprise : 2009 ? Fichtre ! Déjà ?
Et cet étrange sentiment que 2008 nous a littéralement filé entre les doigts !
Toutes et tous, nous vivons avec cette conscience vive d’être inexorablement embarqués sur le grand fleuve du temps. « Nous sommes, un court instant, plongés dans le temps et déjà s’annonce la fin… Quel mystère ! Le temps est la grande énigme de notre existence », m'a confié Jean d’Ormesson lors d'une conversation chaleureuse chez lui, avant Noël.
Paradoxalement, pour calmer un peu la fougue du « cheval-temps » qui piaffe de nous mener, à bride à battue, vers le rebord de notre histoire, il n’est pas inutile de nous retourner – un peu, un peu seulement, car la nostalgie est souvent mauvaise compagne ! – sur le temps écoulé, révolu, ce temps passé dont nous sommes tissés, ce temps d’hier et d’avant hier qui nous a fait ce que nous sommes, et qui nous fera – pour une part – ce que nous deviendrons…
Nous sommes, en effet, le fruit de notre propre histoire. Notre identité s’est forgé, nourrie de ce que nous avons vécu… Nos joies et nos larmes d’hier, nos combats et nos échecs, nos amours et nos désamours, nos bonheurs et nos blessures, les milles et unes rencontres de notre histoire sont la sève qui a fait de nous les arbres que nous sommes dans la haute futaie du temps…
Faire mémoire – en cette période de fin (ou de début !) d’année - du parcours accompli, non pas pour l’ensevelir sous les regrets, mais pour simplement accueillir ce passé tel qu’il est. Lui donner le pardon qu’il attend, panser ses blessures, recoudre ce qu’il y a à recoudre dans la rugueuse toile des jours, lui dire aussi notre reconnaissance pour y puiser les forces de l’avenir.
Faire mémoire de cette année que nous avons tenté de vivre, plus ou moins fidèles à ce qu’on appelait autrefois – mais pourquoi donc ce mot a-t-il été gommé de notre vocabulaire ! – un « idéal ».
Qu’est-ce donc qu’un « idéal » ? Une petite lueur, comme une étoile, qui, toutes affaires cessante, nous pousse, comme les trois « voyageurs » de l’Evangile, à sortir de nous-même, à prendre nuitamment la route dans les obscurités de nos vies, pour aller tenter d’y voir clair.
Oui, « tenter d’y voir clair », en nous, en cette vie, en ce monde.
Tenter d’y voir clair dans l’insondable et bienheureux mystère de se savoir vivant.
Tenter d’y voir clair dans cette vie d’homme ou de femme que nous avons à vivre, contre vents et chagrins.
Tenter d’y voir clair pour offrir un peu de clarté à tant de pénombres en ce monde.
Tenter d’y voir clair ? C’est tout le bonheur que je vous souhaite, amis lecteurs, pour 2009 !
Ensemble, essayons de faire de chaque jour, chaque semaine, chaque mois, de cette nouvelle année, un sentier de clarté. En nous et autour de nous…
Osons cette mise en route, cette « sortie de soi » qui, un soir peut-être, sur le bord du chemin, nous fera nous agenouiller enfin, fourbus mais heureux, devant la divine clarté, mystérieuse épiphanie de l’éternité dans la fugacité du temps…

Epiphanie....

Saisissant agenouillement…

Malgré sa puissance, Hérode s’inquiète : lorsque les mages venus d’Orient – sans doutes de Babylone ou de Perse – atteignent Jérusalem, ils cherchent le « roi des juifs qui vient de naître ». Hérode sait que les juifs attendent toujours un « roi » selon leur cœur et leur foi, non pas un puissant qui (comme lui) ne pense qu’à s’enrichir et à « collaborer » avec l’occupant romain, mais un chef désintéressé qui, au nom du Très Haut, instaurera le bonheur et la paix. La vieille promesse révélée par le prophète Natan au jeune roi David vers l’an 1.000 avant J.C. est dans toute les mémoires : la dynastie de David régnera sur Jérusalem à tout jamais. Or, Hérode n’est pas un descendant de David, il n’est même pas né à Bethléem. Il craint donc la rumeur selon laquelle un enfant, lointain descendant de David, vient de voir le jour à Bethléem ; et déjà, il fomente le projet de l’éliminer.
Dès le premier souffle de Jésus, les forces du mal sont à l’œuvre. Parmi les trois cadeaux offerts par les astrologues, la myrrhe annonce déjà la Passion : cette résine aromatique, fournie par le balsamier, servait en effet à … embaumer les morts ! Dans cette scène saisissante de l’agenouillement des mages devant l’enfant, la symbolique se met en place : en offrant l’or, ces voyageurs « païens » vénèrent la royauté ; en faisant brûler l’encens qui monte vers le ciel, ils s’inclinent devant la divinité ; et en présentant la myrrhe, ils annoncent déjà que cette divine royauté sera bafouée, transpercée, crucifiée par la folie des hommes…
Ce combat entre la nuit et la lumière, se rejoue à chaque instant en nous : laisserons-nous naître et respirer en notre coeur l’enfant de la promesse, ou bien aurons-nous peur pour notre « royaume », notre puissance, notre confort ?