13.3.09

Méditation pour le 3ème Dimanche de Carême

Salutaire coup de balai !

Épisode ô combien célèbre que celui des « marchands du Temple » ! Voici que Jésus troque soudain sa divine douceur contre une sainte colère…
Facile de voir d’abord dans cette scène, une charge contre le « vilain » commerce. Pourtant, les marchands ne vendent pas de moches souvenirs en toc, genre saint en plastique avec fausse neige qui tombe ! Non, ils proposent aux pèlerins, venus souvent de loin, les animaux nécessaires au sacrifice ; et les changeurs permettent de laisser à la porte du Temple l’argent impur frappé à l’effigie de l’occupant romain. Ces commerçants ne sont donc que des serviteurs biens utiles aux célébrations juives.
Pourquoi donc alors ce « coup de sang » de Jésus ?
Sans doute veut-il, par ce geste spectaculaire, amener son auditoire à un changement de regard… Est-ce seulement dans un temple de pierre – aussi grandiose soit-il – que se tient la Présence ? Est-ce seulement dans les observances rituelles – aussi pieuses soient-elles – que l’on rencontre Dieu ?
Nos « pratiques religieuses » sont-elles réellement ouverture à la rencontre du Père, ou n’y font-elle pas parfois obstacle ? Combien de messes, combien de liturgies où nous ne faisons que nous prêter, par peur de nous donner ? Combien de fois ne prêtons-nous qu’une oreille distraite à l’Évangile que nous laissons s’affadir en nos vies ?
En usant du fouet sur l’esplanade du Temple, c’est, en fait, en notre cœur que le Christ donne un salutaire coup de balai. Devant l’encombrement de notre âme, il fait « place nette ». Car notre foi a régulièrement besoin de sortir de « la maison d’esclavage » de ses petites certitudes et petites habitudes. Il lui faut retrouver – et le Carême en offre une belle occasion – le grand vent décoiffant du désert, le grand souffle purificateur de l’exode.
Nos manières de croire ont toujours besoin d’être purifiée, et nos pratiques, converties !

Une excommunication de trop !

Au Brésil, une fillette de 9 ans, violée depuis l'âge de 6 ans par son beau-père, se trouve enceinte de jumeaux. Sa mère la conduit à l'hôpital pour des douleurs au ventre. L'équipe médicale découvre la grossesse et décide de procéder à un avortement, en raison d'un risque vitale pour la fillette.
L'archevêque de Récife au nom de "la loi de Dieu" déclare le 5 mars l'excommunication, rapidemment confirmée par un cardinal au Vatican. Le code de droit canon (article 1398) déclare que "qui procure un avortement, si l'effet s'en suit, encourt l'excommunication latae sententiae", autrement dit "automatique". Mais le droit de l'Eglise dit aussi (article 1324) que la peine prévue doit être "tempérée" pour qui a agit forcé par une "crainte grave" (...) ou bien (...) pour éviter un grave inconvénient. Le texte précise qu'alors, le "coupable" n'est pas frappé par la sanction.

Dans le cas de cette toute jeune fille, il semble assez clair que la "sanction" n'est pas applicable, que cette jeune fille est une victime, et pas une "criminelle".
En déclarant publiquement l'exommunication, l'archevêque a totalement manqué à son devoir de compassion, d'écoute de la douleur. L'effet de médiatisation qu'il a provoqué est moralement condamnable...
Ce faisant, il a donné une image détestable de l'Eglise (qui, depuis l'affaire de "levée d'excommunication" pour les intégristes, n'avait vraiment pas besoin de cela !)

Voici la salutaire réaction de Francis Deniau, évêque de Nevers, que je vous invite à méditer:

"Je dois dire à mon frère l'évêque de Recife - et au cardinal qui l'a soutenu - que je ne comprends pas leur intervention. Devant un tel drame, devant la blessure d'une enfant violée et incapable, même physiquement, de mener à terme une grossesse, il y avait autre chose à dire, et surtout des questions à se poser : comment accompagner, encourager, permettre de sortir de l'horreur, de retrouver sens et goût à la vie ? Comment aider la fille et la mère à se reconstruire ? Nous balbutions, surtout nous les hommes, et devons compter sur les femmes pour être là avec plus de présence que de paroles. Mais des paroles de condamnation, un rappel de la loi, aussi juste soit-elle : c'est ce qu'il ne faut pas faire.
(...) Je crois que l'Église catholique assume sa responsabilité sociale en insistant, à temps et à contre-temps, sur le respect de la vie humaine « depuis la conception jusqu'à la mort naturelle ». Nous manquerions à notre responsabilité en taisant cet appel, qui relève de la défense des plus petits et des plus faibles. Après, il s'agit d'accompagner chaque personne, dans des situations où je ne voudrais pas être, et où chacun essaie de faire au mieux de ce qu'il ou elle peut. Dieu nous appelle à des décisions qui peuvent être exigeantes, mais d'abord il nous enveloppe de sa tendresse, et il nous accueille dans les obscurités et les drames de la vie. J'attends des hommes d'Église, mes frères, qu'ils n'utilisent pas son nom pour condamner des personnes ou les enfermer dans la culpabilité."


Comment le message de l'Evangile peut-il être à ce point perverti ? On ne demande pas, évidemment, à l'Eglise de défendre l'avortement. Mais on attendait d'elle d'abord des paroles de compassion, une proximité, une main tendue.en direction de cette fillette déjà douloureusement blessée. "Faut-il punir les femmes pour la faute des hommes ?" s'interoge avec raison ma consoeur de La Croix, Dominique Quinio.

Inutile d'en rajouter : méditons ce passage de l'Evangile de Matthieu ( 23, 1-12) offert à notre méditation cette semaine:

"Ils lient de pesants fardeaux et en chargent les épaules des gens; mais
eux-mêmes ne veulent pas les remuer des doigts..."