7.10.09

Vers qui va l'Eglise ?

Dans le livre dense et prophétique qu’il publie ("J'aimerai vous dire" Entretiens avec Dennis Gira. Editions Bayard), Albert Rouet pose la question : « Vers qui va l’Eglise ? » L’archevêque de Poitiers trempe sa plume dans une solide espérance ou se mêle une once d’inquiétude.
De fait, le constat est rude : alors qu’il connaît une certaine vitalité sous d’autres latitudes, le catholicisme affronte, dans notre monde occidental, une crise sans précédant. On peut, hélas, aligner les statistiques en bernes (pratique, ordination, catéchisation…) mais le plus grave n’est pas là. En dépit d’une timide et ambivalente vague d’intérêt pour le « spirituel », notre monde industrialisé semble inexorablement entraîné vers une indifférence religieuse de masse.
L’homme « moderne » occidental semble désormais pouvoir passer une bonne part de sa vie à ne tout simplement pas se poser la question de Dieu ! Et il ne s’agit pas là de théorie : nous avons toutes et tous, dans notre entourage, des enfants, petits-enfants, amis, collègues pour qui la foi n’a même plus rang de simple hypothèse !
Dépositaire du trésor de l’Evangile, l’Eglise a de bonnes raisons de s’inquiéter : comment « dire Dieu » à un monde qui n’a – apparemment – plus soif de transcendance ? Rude défi !
Avec courage, elle cherche sa voie, entre défiance et confiance à l’égard d’une modernité qu’elle a de plus en plus de mal à comprendre. La tentation est forte de se laisser aller à l’angoisse, de se raidir, de condamner un monde « sans Dieu », de se replier dans une contre-culture catholique intransigeante.
Compréhensible, cette voie est pourtant sans issue.
L’Eglise n’a pas d’autre chemin que celui du monde. « La spécificité chrétienne consiste à mêler notre langage au langage des autres et à se positionner, non pas en concurrence, mais en dialogue avec le monde » écrit Albert Rouet.
On peut certes continuer de se lamenter en comptant les chaises vides de nos paroisses, bâtir des stratégies pour regonfler les rangs, tenter de doper le recrutement des séminaires, chercher à être « moderne » ou au contraire faire appel aux « modèles de toujours » en soufflant sur les braises de la nostalgie.
On peut débattre à l’infini sur le sens de sacré, recadrer les normes liturgiques, inviter à communier debout, à genoux, dans les mains ou dans la bouche, célébrer en français ou en latin, en aube ou en chasuble… On peut continuer de s’agiter autours de toutes ces questions qui ne sont pas toutes inintéressantes : l’urgence n’est pas là !
Plus que jamais, il nous faut être une Eglise « hors les murs », une Eglise qui se risque aux « frontières », une Eglise « bilingue » qui ose parler la langue et la culture des hommes et des femmes d’aujourd’hui. Une Eglise fraternelle qui ose venir s’asseoir, « en terre étrangère », au bord du puits pour écouter les soifs, les cris, les questions, les douleurs, les secrètes espérances des hommes et des femmes de ce temps.
L’Eglise est ainsi faite qu’elle n’est vraiment elle-même qu’en dehors de chez elle ! L’Eglise est fille de l’exode, sans cesse remise au monde par un Christ éternellement pèlerin, toujours en marche vers l’ autre, le différent, et d’abord le pauvre, le malade, le fragile…Oui, l’urgence est de remettre l’Eglise au monde !