3.12.23

 VEILLEZ Méditation pour le 1er Dimanche de l’Avent

L’évangile de ce 1er dimanche de l’Avent nous invite à la veille, à la vigilance…
Nous sommes appelés, dans cette marche vers Noël qui s’ouvre devant nos pas, à sortir vigoureusement de notre
torpeur.
Tant de soucis, de prétendues priorités, de « divertissements » (au sens ou Pascal utilisait ce mot, pour évoquer notre fuite devant les questions essentielles), tant de besoins matériels qui nous hypnotisent, tant de préoccupations contribuent - dans nos existences qui courent si souvent à la surface d’elles-mêmes - à cet endormissement de l’âme qui nous guette.
« Il y a en nous quelqu’un d’à moitié étouffé qui a
absolument besoin de se mettre à l’aise »
disait magnifiquement Paul Claudel.
Si nous voulons accueillir l’hôte intérieur, l’enfant de la divine Promesse, il nous faut nous réveiller pour mener en nous cet ardent travail spirituel de désencombrement ; faire « place nette » afin que le Christ, quand il viendra, ne trouve pas
punaisé sur la porte de l’auberge de notre cœur un vilain
écriteau indiquant : « complet » !
Car c’est un peu notre rêve : être « complet », sans manque ni béance, sans désir non satisfait, être « autosuffisant », trouver par nous-même et en nous-mêmes nos propres raisons de vivre, ne compter que sur nous-même, prétendre tenir
debout seul dans l’existence quelques soient les événements et les avis de tempêtes.
« Besoin de personne ! » « Ni Dieu, ni maître ! »
Rêve ô combien chimérique !
Entrer en Avent, c’est d’abord nous rappeler que nous n’y
arriverons pas seuls, que nos vies ont besoin d’être relevées, guidées, épaulées, « sauvées » par un Autre.
Entrer en Avent, c’est faire aveu de faiblesse et de fragilité, reconnaître notre cécité, notre chronique surdité spirituelle et, comme Jacob dans son combat avec l’Ange, l’inévitable claudication de nos vies.
Car, à quoi bon entrer en Avent si ce n’est pas pour attendre un « Sauveur » ?
Celui qui, comme le dit la reformulation du Notre Père, ne nous laissera pas « entrer en tentation ».
Cette tentation à laquelle le « diviseur » (« diabolos » en grec) essaie de faire succomber Jésus dans le désert : celle de la toute-puissance qui donne l’illusion d’avoir tous les
pouvoirs, de se croire capable de combler par soi-même ses propres faims, de guérir par soi-même ses propres blessures, d’accéder seul, tel un dieu prométhéen, à la vérité toute entière…
L’Église a eu raison de modifier cette traduction du Notre Père qui pouvait laisser penser que c’est Dieu lui-même qui nous « soumettrait » à la tentation.
Comment, en effet, un Dieu d’amour pourrait-il – prétendument pour notre bien ! – nous tendre un piège, mettre devant nous une occasion de chute ?
Dieu n’est pas un tentateur, ou alors, comme disait le
théologien et psychanalyste Maurice Bellet, c’est un Dieu pervers !
Lorsque l’évangile nous raconte les quarante jours de Jésus au désert, c’est bien le diable qui tente le Christ ; pas Dieu !
Autrement dit, retiens-nous, Seigneur, lorsque nous sommes tentés d’entrebâiller la porte sur le gouffre de l’absurde, freine notre élan lorsque nous risquons de ne plus croire en Toi, lorsque notre quête de Toi s’essouffle dans les raides
escaliers de nos vies bouleversées, lorsque nous commençons à douter de ta venue, lorsque l’auberge de notre âme prétend afficher « complet » alors qu’elle déborde d’un trop plein de vide, incapable d’entendre les appels de l’espérance qui frappe à la porte et patiente, encore et encore, sur le seuil de nos vies afin de venir naître en nous…
Oui, entrer en Avent, c’est commencer par se battre contre cette lourde porte que nous sommes tentés de verrouiller de l’intérieur pour empêcher le Christ de venir respirer en nous et nous donner son propre Souffle.
Il nous faut la débloquer, cette fichue porte. Et nous n’y
arriverons pas seuls !
Laissons le Père nous aider à donner le vigoureux coup d’épaule qui nous manque pour libérer l’accès à la venue de son Fils en nous, dans l’ombre et la lumière, la pesanteur et la grâce.
Oui, en cette marche de l’Avent, demandons au Père de nous préparer à la venue de son Fils, travaillons dans le quotidien de nos jours, en couple, en famille, dans nos engagements
sociaux et professionnels, au cœur des urgences auxquelles nous appelle la solidarité avec les plus pauvres, à ce que Son « nom soit sanctifié », à ce que Son « règne vienne », à ce que Sa « volonté soit faite sur la terre comme au ciel ».
Laissons-Le restaurer nos forces en veillant, comme un père tendre et vigilant, à ce que nous n’entrions pas « en tentation », celle qui consisterait à prétendre pouvoir nous passer de son aide et de sa lumière ;
à croire en un « salut sans Sauveur » !
Oui, contemplons-le ce père qu’Isaïe nous présente assis à son tour de potier sur lequel il pose la glèbe revêche de nos vies qu’il va, de ses mains douces et fermes, travailler, malaxer, pétrir pour en faire cette argile souple et docile avec laquelle il façonne déjà le vase sacré, la crèche de sa divine Présence…
Oui travaillons, en ce temps de l’Avent, à éclairer la nuit obscure de tant de vies essoufflées.
Travaillons à dévoiler l’étoile qui éclairera notre chemin vers celles et ceux qui n’ont plus d’espérance et qui trébuchent dans la nuit…
Noël, déjà, annonce Pâques, la frêle étoile dévoile déjà le grand feu pascal…
Travaillons, Frères et Soeurs, à faire du tissu de notre âme, une matière hautement inflammable !




Aucun commentaire: