Commençons
par nous pencher sur ce magnifique Psaume 121 que nous venons d’entendre. Il
fait partie d’une série de psaumes qu’on nomme les « psaumes des montées ». Ce sont des prières que les
pèlerins chantaient en arrivant à Jérusalem (généralement accompagnées d’un
instrument à cordes, le « psalterion », d’où le mot
« psaume ») .
Après des
jours de marche, en passant par Jéricho, les pèlerins montaient sur le mont des
oliviers et pouvaient enfin contempler Jérusalem.
Si
l’Eglise nous propose ce beau psaume des montées en ce 1er dimanche
de l’Avent, c’est que nous avons, nous aussi, à nous faire pèlerins, à nous
mettre en marche, à monter, pas à pas, jour après jour, vert ce « sommet »
de la vie chrétienne qu’est l’incarnation,
ce grand mystère par lequel Dieu se fait homme parmi les hommes…
Nous ne
marcherons pas vers les splendeurs du Temple de Jérusalem mais vers une obscure bourgade, Bethléem, en
Judée où va naître un « roi » sans couronne, sans armée, sans pouvoir
temporel.
Comme si,
déjà en naissant, le Christ voulait nous entraîner d’urgence vers ces « périphéries » qu’évoque si
souvent le pape.
Comme si
le fils de Dieu préférait naître dans les banlieues, les favelas de toutes les pauvretés et de toutes les blessures humaines…
Comme si,
en naissant, il venait nous provoquer à sortir de notre confort, de nos habitudes,
de nos schémas de pensée…
Notre
psaume nous annonce que notre pèlerinage, notre montée, nous donnera une chose
essentielle : la Paix.
« Paix à ceux qui
t’aiment »
dit le psaume.
Voici
donc une première indication pour, pendant ce temps de l’Avent, nous préparer à
Noël : nous avons à chercher la paix, à bâtir la paix.
Ce que
nous confirme ce très beau passage d’Isaïe (dans notre première lecture) :
« De leurs épées ils
forgeront des socs de charrues, et de leurs lances, des faucilles ».
Il
s’agit, bien entendu, de faire la paix
autour de nous : l’enfant de la Promesse, le Fils de Dieu ne peut pas
naître au milieu de nos divisions.
Si nous
voulons vraiment que le Christ vienne naître dans nos vies, nous avons à nous
faire artisans de l’amour, du pardon, de l’écoute, du dialogue dans tous les
lieux où nous sommes engagés : notre famille, notre couple, notre
communauté, notre milieu professionnel ou associatif, notre ville (même en
période électorale ! Surtout en période électorale !), notre Eglise
aussi où, suivant nos « sensibilités ecclésiales », nous sommes
parfois si prompts à nous faire des procès…
Mais la
paix dont parle l’Ecriture, c’est aussi la
Paix du cœur, la paix intérieure.
Pour
naître en nous, au plus profond de notre cœur, le Christ a absolument besoin
que nous lui construisions, pendant chaque jour de l’Avent, une sorte de
« berceau » de paix dans lequel il pourra naître, respirer, grandir…
Ecoutons
ce que nous dit le pape François dans cette magnifique exhortation apostolique parue
cette semaine et qu’il vient de consacrer à « la joie de
l’évangile ».
« Quand la vie intérieure se
ferme sur ses propres intérêts, il n’y a plus de place pour les autres, les
pauvres n’entrent plus, on n’écoute plus la voix de Dieu (…) J’invite chaque
chrétien à renouveler aujourd’hui même sa rencontre personnelle avec Jésus
Christ ou, au moins, à prendre la décision de se laisser rencontrer par lui, de
le chercher chaque jour sans cesse. »
Vous le
savez, Frères et Sœurs, lorsqu’une naissance s’annonce dans une famille, on
fait de la place, on prépare une chambre, on la repeint, on la décore. Eh bien,
l’Avent, c’est pareil !
Il nous
faut préparer notre chambre intérieure, faire de la place, faire le ménage, repousser
les murs pour que le Christ ait l’espace nécessaire, propre et lumineux, pour
venir naître en nous, pour respirer en nous, pour rire joyeusement en nous !
Ces travaux
d’aménagement intérieur supposent que nous nous posions des questions toutes
simples :
Qu’est-ce qui, dans ma vie, est
vraiment essentiel ? Qu’est-ce qui passe avant tout ?
Et que puis-je faire pour que cet
« essentiel » soit réellement au cœur de mon existence ?
Isaïe,
comme le psalmiste, nous invite, à « monter
sur la montagne » : cela veut dire que nous sommes invités,
pendant ce temps de l’Avent, à « prendre de la hauteur » pour mieux
discerner ce qui, dans notre existence, est essentiel.
Saint
Paul, dans son épître, nous explique, à sa façon, comment faire cette ascension
de l’Avent.
« L’heure est venue de sortir
de votre sommeil ».
Et si,
entendant saint Paul, nous prenions enfin conscience à quel point nous vivons
le plus souvent dans une sorte de léthargie spirituelle ?
Nous courons
après toutes nos préoccupations extérieures mais nous délaissons cette belle et
lente ascension intérieure qu’est la vie chrétienne…
Nous
sommes si souvent des chrétiens endormis, des chrétiens si peu chrétiens, frileux
et conformistes, des chrétiens anesthésiés !
La foi
est un travail (au sens où, pour une femme qui accouche, on parle du travail
d’enfantement).
Si nous
voulons que Dieu vienne naître dans nos vies, nous avons à faire ce travail, à
laisser de la place à Dieu dans nos vies ; si possible la première place.
C’est de
ce travail spirituel dont nous parle l’Evangile de ce jour : ne vous y
trompez pas, lorsque le texte nous dit que sur les deux hommes au champ « l’un sera pris et l’autre
laissé », il ne s’agit pas de faire le partage entre les bons et les
méchants.
Nous ne
sommes pas dans un western !
Non, il
s’agit, à l’intérieur de chaque homme, de chacune et chacun d’entre nous, de
faire ce travail de partage, d’émondage, entre la nuit et la lumière, entre les
forces de vie et les puissances de mort.
Entre « la pesanteur et la grâce »
aurait dit la philosophe Simone Weil.
L’Avent
nous invite au combat spirituel : nous avons à chercher, dans le secret de
notre cœur, ce que nous pouvons faire modestement, humblement pour qu’il y ait
un peu plus de lumière et d’amour, en nous et autour de nous.
Je nous
souhaite, en ce 1er dimanche de l’Avent, de nous mettre en route,
comme des pèlerins, vers ce Bethléem secret qui se trouve au centre de notre
cœur et où Dieu attend de naître.
C’est en
naissant en chacune et chacun d’entre nous que le Christ pourra réellement
venir au monde et, à travers nous, tendre ses bras secourables à toutes les
pauvretés !
Alors le
chemin intérieur de l’Avent nous projettera vers ces « périphéries qui
ont besoin de lumière», là où les urgences de ce monde, les vies blessées nous
appellent .
En un
mot, Frères et Sœurs, l’Avent nous convoque à un double mouvement :
Une plus grande intériorité pour accueillir le Christ en nous
et une plus grande extériorité qui,
au nom du Christ, nous tournera vers le monde. Et n’ayons pas peur de nous
compromettre et de nous salir en allant vers ce monde !
« Je préfère, nous dit encore le pape François, une Eglise accidentée, blessée et sale
pour être sortie par les chemins, plutôt qu’une Eglise malade de la fermeture
et du confort de s’accrocher à ses propres sécurités » !
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