7.4.13

Le doute, chemin de foi...


Dimanche de la Divine Miséricorde Année C (7 avril 2013) 


Les disciples ont peur.
Ils vivent retranchés, claquemurés, verrouillés.
Et leur enfermement, Frères et Sœurs, n’est pas que physique, géographique, matériel ; il est sans doute aussi spirituel.

Le verrou ne bloque pas que la porte, mais aussi l’âme et le cœur !

Comment continuer de croire en Jésus alors que celui-ci vient de subir le plus atroce des supplices ?
Alors qu’il a rendu son dernier souffle, cloué sur l’abject gibet de la croix… 

Et s’ils s’étaient tous trompés ?
Et si l’homme de Nazareth n’était pas le Messie annoncé, promis, tant espéré ?
Et si tout cela n’était qu’une jolie fable ?

Voici que le doute s’insinue…
Attitude tellement humaine !

Comme eux, nous subissons régulièrement les vents contraires :

face à la maladie, face à la mort, face aux grandes épreuves de l’existence, devant le désamour, la séparation, le divorce, l’incommunicabilité entre générations, face à une vie professionnelle de plus en plus stressée où la variable « humaine » semble si peu compter, où les licenciements sont féroces, « meurtriers », notre foi ne pèse pas bien lourd…

Nous sommes alors des croyants qui doutent, des « mal-croyants », autrement dit, très étymologiquement, des « mécréants » !

Et, en cela, nous sommes bien les frères jumeaux de Thomas !

Comme lui, nous cherchons des preuves mais nous  ne trouvons bien souvent sur notre route que des épreuves…

Fragilité de notre condition humaine :

Dieu n’est jamais une évidence !

Pas si facile de croire à la Résurrection !

Notre premier réflexe est alors de nous culpabiliser : si nous doutons, c’est que nous ne sommes pas de « bons chrétiens »…

N’oublions pas cependant que notre foi, parce qu’elle est vivante, n’est pas une certitude inébranlable. C’est un chemin de rencontre, une histoire d’amour faite d’instants d’intimité avec le Seigneur et d’inévitables moments de nuit.

Le jésuite François Varillon dénonçait « l’irritante attitude qui exclut de la religion l’interrogation, et par là l’inquiétude ».

Et Blaise Pascal affirmait : « Douter de Dieu, c’est déjà y croire. »

Alors, ne nous révoltons pas trop vite contre ce fond d’incroyance qui se terre en nous.

Acceptons nos difficultés à croire en Dieu, regardons nos doutes, non pas comme une impasse, mais au contraire comme un chemin de vie, comme la preuve que notre foi est vivante, qu’elle ne se contente pas de réciter pieusement son catéchisme. Ne faisons pas du christianisme un conformisme de plus !

Ce doute qui, inévitablement nous assaille, il nous faut apprendre à l’apprivoiser, car, bien loin de nous écraser, il peut devenir pour nous – comme pour Thomas – un sentier de purification de notre foi. Nous avons toutes et tous tendance à forger ces « idôles d’argile » que dénonce la Bible…
Mais Dieu ne se laisse par enfermer ni réduire en équation !

Ce serait tellement plus simple si, au terme d’un brillant raisonnement, nous arrivions à l’absolue certitude de l’existence de Dieu !

Mais Dieu ne se prouve pas : il s’éprouve !
Dieu ne se démontre pas : il se dévoile.

Dès que la religion devient une certitude casquée et armée, elle devient dangereuse ! Elle vire au sectarisme, à l’intégrisme, elle transforme les Béatitudes en bombes à fragmentations !

Elle a tôt fait, au nom de la « sainte doctrine », de montrer du doigt les « mauvais croyants », de condamner les « impurs », de critiquer les « liturgiquement incorrects », de jeter la pierre à ceux qui ne défilent pas ou à ceux qui défilent, de juger durement celles et ceux pour qui la vie est plus chaotique ou simplement différente…

Trop de certitudes tue la douce certitude de la foi.
Trop de certitudes tue  et empêche la lente maturation de la foi qui n’est pas une simple adhésion à une doctrine mais rencontre personnelle avec le Christ…

Le Christ de Zachée, de la Samaritaine, de la femme adultère, de Thomas le mécréant…

On le voit dans notre scène évangélique, Frères et Soeurs : soudain les yeux de Thomas se décillent et il « voit » enfin le Christ avec les yeux de la foi !
Un Christ ressuscité dont, étrangement, le corps porte encore la trace des clous et de la lance…
Comme si Jésus voulait nous indiquer que c’est bien avec nos blessures, nos limites, nos égarements, nos doutes, nos fragilités que nous marchons sur le sentier de notre résurrection !

C’est aujourd’hui le dimanche de la « Divine miséricorde »…

Etre miséricordieux, c’est avoir l’humilité d’admettre la faiblesse, la sienne, celle des autres, la difficulté qu’il y a à vivre et à croire.

« Seul un moi vulnérable peut aimer son prochain » écrivait le philosophe Emmanuel Lévinas.

Le Christ, voyez-vous, Frères et Sœurs, n’a pas peur de nos doutes, il ne nous les reproche pas, il ne les désigne pas comme des péchés !

Il sait, Lui qui a crié son abandon sur la croix, combien, entre la pesanteur et la grâce, l’espérance et la désespérance, notre cœur est souvent tiraillé, déchiré.

« Chacun porte en soi le trésor de sa sérénité intérieure ou de son découragement » disait Plutarque.

Face à la « blessure de vivre », souvent notre cœur se verrouille, se referme.
Et voici que le Ressuscité, dans la grâce du grand matin de Pâques,  vient rouler la porte de notre cœur !

« J’aime les mécréants », dit Dieu !

(c) Bertrand Révillion 2013

1 commentaire:

Anonyme a dit…

MERCI pour cette homélie qui m'a tant touchée et parlée lorsque je l'ai entendue à la messe. MERCI de me faire ainsi avancer, avec espérance.