5.9.12

Conversation avec le Cardinal Martini

En 2001, j'ai eu le bonheur d'interroger le cardinal archevêque de Milan (qui vient de mourir).
Je vous propose de réentendre cet immense pasteur qui avait accepté d'évoquer longuement sa filiation jésuite à Ignace de Loyala et la grâce que constituait pour lui la pratique des "Exercices"

Bertrand Révillion : Vous êtes entré dans la Compagnie de Jésus en 1944. Qu'est-ce qui vous a amené à faire ce choix de vie ?
Cardinal Martini : L'itinéraire spirituel qui m'a amené à entrer dans la Compa­gnie de Jésus s'est fait, pour ainsi dire, en deux étapes. Le jeune garçon que j’étais alors a progressivement pris conscience que Dieu était le tout de sa vie. J'ai peu à peu acquis la certitude que la meilleure façon d'utiliser mon existence était de la donner totalement à Dieu. Puis, en fréquentant l'école des Pères Jésuites dans ma ville natale de Turin, je me suis dit que la meilleure fa­çon de répondre concrètement à mon désir de me donner à Dieu était de suivre leurs traces. Je voyais que ces pères croyaient à ce qu'ils disaient, qu'ils étaient sincères, honnêtes et vrai­ment donnés au Seigneur. Spontané­ment, mon choix s'est orienté vers la Compagnie de Jésus.
L’univers familial a-t-il été détermi­nant dans votre vocation?
En partie. Ma famille a été pour moi un exemple fécond en matière de fi­délité dans le devoir. Elle m'a ouvert au sens de la responsabilité et de l'honnêteté. Je lui dois aussi d'avoir vécu mon enfance dans un climat de grand respect pour la foi chrétienne et pour l'Eglise. Ma mère, notamment, m'a montré le visage d'une femme d'une grande piété, à l’engagement re­ligieux profond, Mais ma vocation a surtout été nourrie de ma fréquenta­tion des jésuites.
Qu’est-ce qui vous a séduit dans le personnage de votre fondateur, saint Ignace de Loyola?
Dans l'éducation reçue des pères jésuites, la figure du fondateur de la Compagnie restait un peu dans l'ombre, Ils nous faisaient plutôt dé­couvrir la vie de jeunes saints jésuites comme saint Stanislas Kostka et saint Louis de Gonzague. Je garde le souve­nir que leurs itinéraires ont eu une grande influence sur mon propre che­min. J’ai découvert Ignace de Loyola plus tard, lorsque j'ai commencé à ap­précier les Exercices spirituels.
Quels souvenirs gardez-vous per­sonnellement de votre première expérience des Exercices. spiri­tuels ?
Franchement, ma première expérience fut un peu décevante! Il y avait des jour­nées organisées avec des sermons don­nés par les pères jésuites de mon collè­ge, parfois aussi dans le cadre d'une maison de retraite, Mais il s'agissait de sermons qui ne cherchaient qu'une cho­se : nous « remuer », en parlant essen­tiellement du péché, de l'enfer... Ce n'est que beaucoup plus tard que j'ai commencé à prendre personnellement en main le petit livre des Exercices de saint Ignace. J'y ai alors découvert tout autre chose qu'une pédagogie de la peur ; une sagesse inépuisable !
Comment pouvez-vous expliquer, à un public qui ne tes connaitrait pas, les Exercices spirituels ?
Il n'est pas très facile d'expliquer en quoi consistent les Exercices et ce qu'on trouve dans le livre de saint Ignace. En simplifiant, je pourrais dire que les Exercices sont une méthode qui permet d'aboutir à un choix mûri et responsable, fait en profonde rela­tion avec l'Evangile. Je pourrais aussi dire qu'ils constituent, en règle générale, une méthode pour mettre sa propre vie en ordre, selon le désir de Dieu. A cette fin, ils proposent des mé­ditations, des examens de conscience, des entretiens qui aident à faire la lu­mière sur la volonté de Dieu dans sa vie. Mais il s'agit d’exercices vécus: le livre des Exercices spirituels est com­me une partition musicale d'une sym­phonie à exécuter personnellement. Seul celui qui connaît à fond la théorie de la musique peut apprécier la parti­tion en tant que telle. Les Exercices doivent plutôt être vécus que simple­ment lus. Pour mot, la démarche fut in­verse; j'ai fait mes premiers Exercices sans vraiment les comprendre, puis, ensuite, prenant le livre en main, leméditant lentement, j'ai compris com­bien était grande la sagesse psycholo­gique, humaine et spirituelle de cet ou­vrage né d'une expérience spirituelle profonde, celle de saint Ignace de Loyola.

Les écrits et la pensée d'Ignace portent fortement l’empreinte du XVIème siècle espagnol. Et pourtant son œuvre spirituelle parle aux hommes et aux femmes du XXI siècle. Qu’est-ce qui, à vos yeux, explique cette « modernité » de saint Ignace?
Tous les écris d'Ignace ne sont pas mo­dernes. Le petit livre des Exercices spirituels, malgré un langage marqué par l'époque, rejoint la mentalité contempo­raine car il met au centre la personne et sa liberté, sa recherche d'un sens à la vie.
La grande préoccupation contem­poraine semble être le « souci de soi », l'homme moderne cherche à se retrouver. Le christianisme peut-il aider à cette quête de soi?
Le christianisme jouant sur le fil de l'inté­riorité peut certes aller de pair avec cet­te préoccupation de soi. Toutefois il met avant tout l'accent sur une grande adhésion au plan divin de salut pour le monde. Dans cette adhésion chacun se retrouve et se lit, non pas seul, mais avec Dieu, créateur et Seigneur, en re­lation avec Jésus-Christ sauveur, mort pour nos péchés et qui nous appelle il le suivre sur la voie de la croix.
La croix comme mort à soi-même plutôt que l’hypertrophie du « moi ». Trouvez-vous que cette quête contemporaine vers le « moi » est ambiguë: l'homme est davantage à l'écoute de lui-même, de ses émotions, de son corps mais reste fermé à l’altérité. La quête spirituelle qui s'exprime aujourd'hui na révèle-l-elle pas davantage l'individualisme contemporain qu'une réelle soif de transcendance?
La recherche contemporaine de soi est bien sûr ambiguë. Nous avons tous besoin d'une « clé » pour nous com­prendre, comprendre qui nous sommes, dans notre corps et nos émo­tions. Le chemin chrétien permet de saisir l'homme dans son intégralité, corps, psyché, émotions et âme, en re­lation avec Dieu son créateur et avec la Parole dans et par laquelle chacun de nous a été créé. Cette relation se clarifie et s'éclaire dans la relation personnelle avec Jésus-Christ. C'est le visage de sus que nous sommes appelés à reconnaître dans le visage du frère. Le che­min est donc ici une voie de relation avec Dieu et avec le Christ, à la découverte du Christ dans l'autre. Mais, pa­rallèlement à ce chemin, un autre est aussi possible, en quelque sorte son op­posé: celui qui fait aller du mystère du visage de l'autre, avec sa souffrance à laquelle j'essaie de remédier, vers la couverte de l'autre qui me révèle quelque chose du mystère de la trans­cendance de Dieu.
Comment passer d'une introspection centrée sur soi-même â une quête intérieure qui mène à la dé­couverte de l’altérité? Autrement dit, comment faire de mon légitime désir de me connaitre un chemin d’accès aux autres et à Dieu?
Les Exercices spirituels sont une excel­lente méthode pour découvrir, par la voie de l'intériorité, le chemin de l'alté­rité. C'est précisément parce que je veux me connaître à fond moi-même et trouver le sens de ma vie, que je dé­couvre que ce sens m'est en fait donné en décidant d'entrer en relation avec l'autre, Cela peut aller jusqu'à donner ma propre vie pour mes frères, en ai­mant comme Jésus a aimé.
En quoi l’Évangile peut-il m'aider à savoir qui je suis?
Comme je le disais plus haut, nous avons été créés par la Parole de Dieu et au cœur de cette Parole de Dieu. Cette Parole qui se trouve aussi dans. L'Evan­gile. En lisant l'Evangile, nous entrons donc en contact avec une Parole qui nous est, pour ainsi dire, connue de l'intérieur, qui nous a fait et qui guide notre existence. C'est donc à partir d'une lecture constante et priante de l'Evangile que je peux découvrir qui je suis et à quoi je suis appelé.
Découvrir qui je suis, est-ce d’abord me découvrir pécheur, c'est-à-dire prisonnier du ma!?
La découverte de nous-même que nous faisons au travers de l'Evangile mène effectivement souvent vers la révélation de notre propre inclination au péché. Pierre, sur la barque, après la pêche miraculeuse, se jette aux pieds de Jésus et se reconnaît pécheur. La reconnaissan­ce de notre péché émane de la connais­sance que nous acquérons de l'amour sans limites de Dieu pour nous, de sa bonté et de sa miséricorde. A l'instant où je me sens prisonnier du mal, je découvre en même temps à quel point je suis libéré et racheté !

Il n'y a pas de véritable libération, aux yeux de l'Evangile, sans prise de conscience forte de mes limites, de mon incapacité à aimer?
La prise de conscience de ma propre libération est en même temps révélation de la force d'amour de Jésus pour moi et de mes résistances à répondre à l'amour de Jésus et des autres. Il me semble effectivement que ces deux choses vont de pair...
L’Eglise a parfois, au cours des siècles précédents, écrasé les croyants sous le poids de leur cul­pabilité. Comment ouvrir les yeux sur mon péché sans sombrer dans une culpabilité morbide? Com­ment faire en sorte que la prise de conscience de mon péché soit aussi un chemin vers le bonheur ?
Ce qui nous fait connaître à fond notre condition de pêcheurs, c'est la tendres­se et la miséricorde du Père pour cha­cun d'entre nous, l'amour du Christ qui donne sa vie pour moi. Je découvre alors la gravité de mon péché, la dureté de mes résistances en même temps que je m'ouvre à l'accueil de l'amour et du pardon de Dieu.
L’essentiel est, selon vous, de pas­ser de l'image d'un Dieu vengeur et punitif à une relation à un Dieu de miséricorde et de tendresse…
Ce changement de regard sur Dieu est effectivement important. Mais il faut ce­pendant tenir ensemble justice et miséricorde. Il nous faut toujours maintenir ou retrouver cet équilibre, en sachant, bien sûr, que la balance penche le plus souvent du côté de la miséricorde et du pardon, mais sans oublier la justice. C'est peut-être là le problème le plus délicat dans l'interprétation du christia­nisme aujourd'hui.
Une fois mon péché identifié, comment découvrir la volonté de Dieu sur ma vie ? Comment savoir à quoi Il m'appelle ?
Les Exercices Spirituels de saint Ignace correspondent précisément à cet itiné­raire de découverte de notre propre ché devant l'amour crucifié pour moi, suivi de cette question que je me pose sur ce que je dois faire pour Jésus, In­déniablement, les Exercices sont un chemin pour répondre à la question du sens de ma vie. Saint Ignace nous fait méditer avec attention sur toute la vie de Jésus pour y recueillir les valeurs évangéliques avec lesquelles je suis in­vité à entrer en harmonie, apercevant même, à partir de là, un projet concret de vie pour moi.
Ne court-on pas parfois le risque de confondre nos propres désirs avec le désir de Dieu? Comment savoir quand c'est nous qui par­lons et quand, réellement, c'est Dieu qui nous parle?
Je crois qu'effectivement nous courons toujours plus ou moins le risque de confondre nos propres désirs avec les désirs de Dieu. Les Exercices de saint Ignace constituent précisément une méthode pour limiter le plus possible de telles illusions, pour les découvrir et les démasquer. Mais il faudra chaque fois reprendre le discernement par le début, se laisser instruite par les autres et par les événements de la vie, se lais­ser conduire par la Providence. Celui qui cherche Dieu sincèrement sera éclairé pour faire le bon choix ou pour corriger à temps le choix erroné.
Cette recherche de la volonté de Dieu fait souvent l’objet d'un véritable « combat spirituel »…
Le «combat spirituel» est un point fon­damental dans les Exercices de saint Ignace. Il s'agit de reconnaître qu'il y a en nous des forces qui nous portent nous seulement au péché, mais, de fa­çon plus générale, à la frustration, à la tristesse, à la mélancolie et au déses­poir, Nous sommes en situation de combat permanent avec ces tensions intérieures, comme aussi avec les autres forces plus visibles qui nous portent à la sensibilité et à la colère. Un tel combat dure toute la vie ! Et il ne s'agit pas d'un combat de type seulement ascétique. Il est motivé par l'amour que nous avons pour Jésus et pour les exemples de sa vie, en particulier ceux qui sont présen­tés dans les Béatitudes. Alors le combat consiste en même temps à s'engager pour être avec Jésus et pour vivre comme Lui.

Puis-je découvrir cette volonté de Dieu sur ma vie tout seul ? En quoi est-il bénéfique de se faire spirituellement accompagner?
Dans la vie, nous ne sommes jamais seuls. Le baptême nous fait devenir membres de Jésus-Christ et de son corps qui est l'Eglise, Il en résulte que toutes nos décisions sont prises dans ce contexte, même si nous n'y pensons pas toujours expressément La « proxi­mité» de l'Eglise peut être vécue de multiples façons, Une de ces façons est, effectivement, l'accompagnement spirituel, important surtout au niveau des choix personnels. L’entretien avec quel­qu'un qui nous accompagne dans la foi a toujours été important dans l'histoire de l'Eglise. Nous sommes, fort heureu­sement aujourd'hui, en train de le redé­couvrir. C'est un grand soutien, surtout dans les décisions difficile…
A certaines heures de notre vie, nous avons parfois de grandes dé­cisions à prendre sur le plan per­sonnel, familial, professionnel… Comment laisser notre foi chré­tienne éclairer nos choix?
Les Exercices spirituels de saint Ignace sont particulièrement féconds pour celles et ceux qui se trouvent devant des décisions de grande importance. Il est possible de faire ses Exercices dans un lieu de retraite isolé, mais il est aus­si possible de les faire dans la vie cou­rante. Avec beaucoup de persévérance et de volonté et en se faisant aider par un accompagnateur spirituel, il est pos­sible de vivre les Exercices spirituels dans la vie quotidienne. Nombre d'hommes et de femmes découvrent aujourd'hui cette manière de faire re­traite «au cœur de la vie ».
C'est dans la prière que nous devons porter nos décisions ?
Il faut un va et vient continuel entre la prière et la vie. Si nous contemplons avec persévérance le visage de Jésus dans les Evangiles, nous nous ouvrons à l'inspiration du Saint Esprit qui nous per­met de prendre nos décisions impor­tantes dans un climat de prière. Lorsqu'il s'agit de décisions très importantes, il est bon de les porter dans la prière d'une fa­çon prolongée et explicitée. Saint Ignace nous apprend, en pareil cas, à présenter nos choix au Seigneur dans la prière, lui demandant de nous confirmer, dans le silence de la contemplation,
Qu’est-ce que la prière ? Beaucoup d'hommes et de femmes sont un peu désarmés, perdus devant la prière: que dire, que faire ?
C'est toujours très difficile d'expliquer ce qu'est la prière ! Il s'agit d'une activi­que l'Esprit Saint fait jaillir du fond du cœur de chaque croyant, et, paradoxa­lement aussi du cœur de personnes qui disent ne pas croire en Dieu. La prière est comme le souffle du cœur. Lors­qu'elle est faite à partir de la Révélation que nous sommes fils et filles de Dieu, la prière prend alors la forme d'un col­loque nous écoutons avant tout le Seigneur qui nous parle. Pour cela, la Bible est le livre idéal pour la prière. Dans les psaumes en particulier, nous trouvons des modèles et une aide pour entrer en prière. Mais il faut toujours ac­cepter que prier soit aussi un peu mou­rir. Mourir à soi-même, à ses petites am­bitions et au désir de gratification. La prière nous fait entrer dans le mystère de la gratuité de Dieu.
L'essentiel de la prière n’est pas ce qu’on fait mais ce qu’on est ?
Il m'est difficile de répondre à votre question. Je crois cependant que l'es­sentiel de la prière consiste à se laisser ai­der par l'Esprit saint qui, comme dit saint Paul dans la Lettre aux Romains, soutient notre faiblesse. C'est pourquoi je pense que dans la prière il faut « être » mais aussi « faire », c'est-à-dire dépasser la répugnance et la paresse, se mettre à la disposition de Dieu, se faire aider par une page de l'Ecriture ou d'un autre livre spirituel. Il est difficile d'apprendre à d'autres à prier. Nous pouvons juste apporter quelques coups de pouces, quelques encouragements. La prière reste quelque chose de profondément personnel et, d'une certaine façon, elle est un peu différente pour chacun.
Comment s’y prendre concrète­ment: quels conseils pouvez-vous donner à celles et ceux qui veulent débuter dans la prière ?
Le meilleur conseil pour qui veut com­mencer est de prendre un Psaume, en choisissant celui avec lequel on se sent le plus en harmonie. Nous pouvons le dire lentement et puis reprendre l'une ou j'autre des paroles qui nous ont le plus frappé. Après, il est bon de passer aussitôt à une page d'Evangile où nous nous reconnaissons et à partir de la­quelle nous pouvons parler avec Dieu. Puis il y a ces prières simples qui aident tous les chrétiens, les plus dépourvus comme les plus instruits. Ce sont les prières vocales, an particulier celles qui composent le Rosaire. Puis, dans la liturgie, nous sommes aussi condutis à la prière d'un peuple qui prie et qui chante à l'unisson. La liturgie est l'école de base de la prière chrétienne.

La spiritualité Ignacienne insiste sur la nécessité de la « relecture » de sa journée, Prier, c'est aussi commencer par revoir, réentendre ce que l'on a vécu?
Saint Ignace suggère de faire quotidiennement un examen de conscien­ce, et aussi de s'interroger sur l'une ou l'autre résolution particulière concer­nant surtout les défauts qui nous font chuter le plus souvent. Nous sommes ainsi habitués à une relecture de la journée, faite à des moments de calme et dans un climat d'adoration, d'action de grâce et de demande de pardon. Au dé­but, on fait cet exercice de manière plus pointilleuse et formelle, Peu à peu, il peut se transformer en regard de confiance envers le Père qui nous voit et qui purifie nos intentions. Il importe que cet examen sur soi se fasse toujours dans un climat de confiance et de louange.
Vous insiste beaucoup sur la place de l'Ecriture dans la prière et vous évoquez souvent la lectio divina. En quoi consiste-t-elle?
J'insiste notamment sur la lectio divina car c'est une demande réaffirmée par le Concile Vatican II pour notre temps. Dans la Constitution sur la Parole de Dieu (Dei Verbum), le Concile demande que tous les chrétiens apprennent à prier à partir de l'Ecriture. Il fut un temps où l'on pouvait penser que cette lectio divina était surtout faite pour les moines. Au­jourd'hui, la rupture d'un cadre strict de référence chrétienne dans la société im­pose à toutes celles et tous ceux qui veu­lent vivre en chrétiens d'avoir dans leur propre cœur comme une cellule où ap­prendre à plier et à se référer aux moti­vations et aux attitudes du Christ. On a dit que le chrétien du 3< millénaire sera mystique ou ne sera plus chrétien du tout. Ces paroles sont comme une invitation à la prière et à l'intériorité. En ce sens, la Bible est le livre de notre avenir.
Y-a-t-il ne méthode pour la lectio divina?
Je cherche à proposer la lectio divina de la façon la plus simple, en trois étapes : lectio, méditatio et contemplatio. Il s'agit de lire et de relire le tex­te en notant les éléments porteurs et le dynamisme qui le parcourt. A partir de là, on s'interroge sur le message que le texte porte en lui pour tous les temps, pour notre temps et plus particulière­ment pour moi. Vient ensuite le troisiè­me moment où je contemple le Sei­gneur de qui je reçois ce message et j'entre en prière, lui offrant ma vie et lui demandant d'opérer des changements selon l'inspiration de l'Esprit.
« Si le Christ n'est pas ressuscité notre foi est vaine », affirme saint Paul. Comment faire résonner cette joie de la résurrection dans la culture contemporaine scientifique et rationaliste? A quelles conditions la foi chrétienne peut- elle rejoindre les attentes des hommes et des femmes du troisième millénaire ?
La résurrection du Christ donne tout son sens à ta vie de l'homme, à ses souffrances et aussi à sa mort C'est pour cela qu'il nous est demandé de nous his­ser instruire par le témoignage de l'Eglise primitive, contenu dans les Evangiles, dans les Actes des apôtres et dans les lettres apostoliques. Ce témoi­gnage vivant que nous trouvons dans l'Eglise et qui est intériorisé dans la priè­re nous permet d'être aussi aujourd'hui témoins de la résurrection. La résurrec­tion et la couleur qu'elle donne à la vie de chaque jour constituent cette ou­verture de sens dont ont besoin tous les êtres humains. Personne ne peut éviter la demande, l'interrogation relative au sens de sa propre vie. Quand cette de­mande est reçue d'une manière plus ex­plicite, le message de la résurrection apparaît comme la réponse providentielle de Dieu à nos espérances et à nos at­tentes. Ainsi la foi chrétienne rejoint les attentes fondamentales des hommes et des femmes du troisième millénaire.
Aujourd'hui encore, le Christ peut venir rejoindre notre propre existence d'homme ou de femme du XXIème siècle et la ressusciter?
Jésus Christ ressuscité vit aujourd'hui. Il se présente à nous dans l'Eglise, dans la prière, dans la charité, dans le visage de chaque frère et sœur qui souffre. L'Es­prit saint suscite en nous la capacité de reconnaître cette présence du Christ et d'en faire l'expérience vivante. L’Esprit parle au cœur de chaque homme et de chaque femme, qui ont été créés dans la perspective du Christ crucifié et res­suscité, et qui trouvent en lui en pléni­tude la réponse à leurs aspirations.
Comment, au regard de vôtre propre itinéraire, pouvez-vous rendre compte de cette résurrection ? En quoi et comment le Christ est-il pour vous ressuscité aujour­d'hui dans votre existence ?
Le Christ vivant est la raison de mon existence et de tous mes choix, C'est ainsi qu'il devrait être perçu par quiconque approche un chrétien qui croit intensément par la grâce de Dieu. C'est seulement à partir de la mort et de la ré­surrection du Christ que nous pouvons comprendre le sens de ce que nous vi­vons chaque jour. Ce sens est explique d'une façon particulièrement efficace dans les Ecritures, spécialement dans les Evangiles. C'est donc à partir de la mé­ditation évangélique que je suis, que nous sommes, continuellement réveillés pour saisir les signes de la résurrection en moi, en nous et entre nous.
Tout risquer pour le Christ, cela vaut le coup ?
La vie d'un croyant sincère se joue tota­lement sur le Christ crucifié et ressusci­té. C'est là qu'il place toutes ses espé­rances. Toute autre attitude est subordonnée à cela, ce qui constitue comme la clé interprétative de toute l'existence humaine. C'est l'unique vie vraiment authentique, qui vaut la peine d'être vécue intégralement, y compris dans ses nuits obscures et ses souf­frances. C'est toujours le Christ ressus­cité qui vit en nous, qui purifie et éduque notre regard pour que nous soyons un jour capables de contempler la plénitude révélée du mystère…

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