2.3.09

Carême: Lève-toi et mange !

Dans un épisode célèbre, la Bible (au 1er livre des Rois, chapitre 19) nous donne d’assister à cette scène émouvante : blotti et recroquevillé sous un genêt isolé, le prophète Elie n’en peut plus et sombre dans la dépression. Il n’est pas bien fier de sa vie. Lucide, il est conscient de ses limites, de ses infidélités, de ses égarements…« Je ne vaux pas mieux que mes pères ! » Alors, il fuit au désert où il voudrait bien entrer dans la grand sommeil du « dès-être », se défaire de lui-même, cesser d’être lui.

Elie se fuit mais, où qu’il aille, Elie s’emporte avec lui ! Impossible, en effet, de se fausser compagnie à soi-même ! D’où la colère d’Elie : il « s’emporte » contre lui parce qu’il ne peut pas faire autrement que de « s’emporter » avec lui !

Le sentiment qu’éprouve le prophète, nous est bien connu. Qui d’entre nous n’est pas parfois gagné par la fatigue d’être soi ? Comme si, tout à coup, notre cœur sonnait le creux, comme si notre âme n’habitait plus à l’adresse indiquée ! Temps de désert rugueux, aride… Temps d’émondage…

Elie, sous son arbre chétif, pourrait se laisser aller à rester à terre, à raz de sol, le nez et le cœur dans les poussières de sa vie passée, écrasé par son mal-être et rongé par la culpabilité. Mais ce serait compter sans la petite flammèche qui vacille encore en lui. Voici que l’ange, l’envoyé de l’Eternel, lui murmure à l’oreille : « Lève-toi et mange… »
Elie n’a plus faim de rien, Elie, au désert, n’a plus de désir, mais demeure, tout de même, dans un replis de son âme, une petite lueur de confiance. Alors, Elie écoute la voix de l’ange et mange la galette mystérieusement déposée à son chevet. Mais… se recouche !
Elie n’a pas compris, il n’est pas encore « éveillé » ! Alors l’ange revient à la charge : « Lève-toi et mange, car autrement, le chemin serait trop long pour toi… »
Précieuse injonction de l’envoyé !

Ainsi donc, toute vie spirituelle inévitablement confrontée un jour ou l’autre au « désert », au « non désir » passe par une décision : « Lève-toi ! » Autrement dit, quelle qu’ait été jusqu’à présent ton existence, quelles que soient tes blessures, décide-toi à vivre ! Malgré tout ! Jésus dira au paralytique : « Prend ton grabat ! » Autrement dit, ose prendre à pleine main la mauvaise civière où gîssent tes faiblesses, tes fragilités, tes blessures. Ose porter le poids de ta vie, ose te supporter, ose surtout te laisser porter par un Autre...
Oui, « Lève-toi », profite de ce temps béni du carême pour te relever, car ce n’est que lorsque tu auras décidé toi-même de te mettre debout, en marche, en chemin, en « itinérance », en exode fécond, que l’Eternel pourra venir pétrir la pauvre farine de ta vie pour en faire le pain savoureux de ta résurrection.

« Lève-toi » car le voici Celui qui vient, sur tes sommeils, ouvrir les volets du matin de Pâques.
« Lève-toi » car le voici Celui qui vient raviver la faim d’avoir faim et la soif d’avoir soif.
« Lève-toi » car le voici Celui qui, au travers du « bruissement d’un souffle ténu », vient te murmurer à l’oreille du coeur : « Tu as du prix à mes yeux… »Oui, « Lève-toi, et mange » car le voici le Maître du désir qui fera pour toi « toutes choses nouvelles !»

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