Il nous faut, en ce temps de
l’Avent, essayer de lutter contre ce que nous pourrions appeler le… « syndrome
de l’édredon » !
Vous savez, cette énorme
couette sous laquelle nous rêvons parfois de nous enfouir pour ne plus voir ni
entendre les avis de tempête du monde…
Cette tentation du repli qui
nous guette : repli dans l’entre soi
de nos milieux, de nos familles, de nos sensibilités religieuses, de nos
opinions et de nos certitudes…
Repli loin des différences
qui nous inquiètent, des choix qui nous dérangent, des façons de vivre qui nous
déroutent.
Repli sur nos vies à nous, nos
soucis à nous, notre job à nous, notre famille à nous, notre communauté
chrétienne à nous, notre quête à nous d’un petit bonheur tranquille. Peinard !
Loin, si possible, très loin des
cris du monde, de tous ces « Lampedusa » où tant de fragiles barques
humaines craquent, tanguent et se noient. Presque sous nos yeux. Presque à nos
portes.
« Prenez garde et
restez éveillés » nous dit le Christ dans l’Évangile que nous venons d’entendre.
Oui,
l’Avent qui s’offre à nous est une école où nous pouvons apprendre l’art de
l’éveil et de la garde.
Comme
on apprend à un marin à prendre son quart, à tenir la barre, à maintenir le cap
vers Bonne Espérance !
Et la première manière
d’apprendre à veiller, c’est de retrouver le sens de l’attente !
Oui, vivre l’Avent,
c’est oser vivre enfin le
temps des lentes maturations, des fécondes gestations,
c’est réapprendre à marcher,
pas à pas, vers notre humanité,
c’est briser l’enchaînement
frénétique du temps trop vide parce que trop plein,
c’est faire, en soi, au plus
intime de son mystère d’homme,
de la place à l’avènement de
l’Inattendu.
Vivre l’Avent,
c’est laisser les douces
mains du « Dieu potier », qu’évoque si bien le prophète Isaïe dans
notre première lecture, façonner l’argile de nos vies.
Il nous faut, pour cela,
Frères et Sœurs, laisser du temps à Dieu pour qu’il mette la glaise rêche et
rebelle de notre cœur sur son tour de potier, pour que, de ses mains douces et
fermes, il nous façonne l’âme, comme on façonne un vase d’argile pour y mettre
un précieux parfum !
Oui, entrer
dans l’Avent, c’est veiller à redevenir
argile souple sous les mains de Dieu.
Et cette
« souplesse » peut et doit se travailler !
Nous sommes conviés à une « gymnastique de l’âme » qui comporte au
moins deux exercices :
-
Veiller, c’est
d’abord mesurer l’urgence qu’il y a pour nos vies à s’arrêter enfin devant
Dieu. L’Avent nous convoque impérieusement à trouver, dans nos agendas, du
temps « pour rien », du temps apparemment sans efficacité, du temps
enfin « gratuit », « vide », un vide que Dieu pourra enfin emplir
de sa présence. Veiller, c’est donc d’abord trouver le temps de la prière, le
temps de se re-cueillir, de se « cueillir à nouveau », de se
re-centrer sur l’essentiel.
-
Veiller, c’est
aussi se faire « bien-veillant » aux êtres et au monde qui nous
entourent. Veiller, c’est « sur-veiller » la douleur du monde, comme
le lait sur le feu, afin qu’elle ne déborde pas…Veiller, c’est « veiller
au grain », faire en sorte que celles et ceux que nous croisons ne
« crèvent » pas de faim, de solitude, d’injustice, d’oubli, de
racisme, d’exclusion sociale, de manque d’amour…
A quoi bon la douce lueur de
la crèche :
- Si chez nous, nous sommes indisponibles à celles et ceux que nous
prétendons aimer ?
-
Si, à deux pas de chez nous, les banlieues s’embrasent, les sans abris meurent de
froid ?
-
Si, à des
milliers de kilomètres de chez nous, des peuples s’enfoncent chaque jour un peu plus dans la misère, sous les
coups de boutoirs aveugles de la Mondialisation.
Il nous faut, pour devenir
« Sentinelles de Noël », accepter de vivre la féconde tension entre
prière et action, intériorité et engagement, lutte et contemplation.
N’oublions jamais que lorsque
nous entrons dans une église, c’est pour mieux en sortir, mieux aller vers le
monde !
Car pour venir naître en ce
monde, Dieu a besoin de nos cœurs et de nos mains. C’est à nous de transformer
ce monde, pour qu’il devienne la crèche de sa Divine Présence.
Oui, l’Avent nous convie à la
lutte, au combat, humain et spirituel – en nous et autour de nous – afin de
rendre cette terre « divinement habitable » !
Notre tâche
de pèlerins en marche vers la Nativité est d’essayer d’offrir un peu de paille
chaude, en nous et autour de nous, à la divine Promesse…
A Strasbourg, cette semaine,
le Pape François a tenté de réveiller notre vieille Europe. Ses questions
furent vigoureuses.
Nous pouvons aussi les prendre
pour nous, entendre le Pape nous secouer avec bienveillance !
« Où est ta vigueur ? Où est cette
tension vers un idéal qui a animé ton histoire et l'a rendue grande ? »
Oui,
demandons-nous ce que nous faisons du don de la foi : un p’tit placement
pépère bien gardé au chaud dans le confort de nos églises ? Où cette force
tellurique de l’amour qui nous sortira de nous-même pour nous projeter vers
toutes ces « périphéries » où l’homme attend que nous lui tendions la
main et le cœur ?
Veillons à
faire du tissu de notre âme une matière inflammable !
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